• FR
  • NL
  • EN

PLAN FINANCIER: Importance de se limiter à l'activité précise des 24 premiers mois.

A plusieurs reprises, l’Ordre a été interrogé sur la question suivante :

La plupart des notaires imposent (et pas la loi) d'indiquer l'objet social complet dans le plan financier. Le CSA prévoit qu’il convient de mentionner l’activité précise effectivement exercée et pas l'objet social complet. Les objets sociaux que nous proposons contiennent des activités, toujours en lien avec le principal, mais connexes et espérées, notamment celles figurant en fin d’objet, et qui ne seront envisagées qu’en cas de développement favorable, donc au-delà des 24 mois couverts par le plan financier.

Inclure l’ensemble de l’objet risquerait de rendre l’apport insuffisant et notre responsabilité en tant que professionnel mis en péril. Qu’en pensez-vous ?

L’Ordre – au travers de son Intelligence Artificielle – vous répond : (ouverte et accessible à tous les membres de l’OECCBB en ordre de cotisation 2025 !)

0.- Analyse de la problématique

Vous soulevez une question très actuelle concernant l’interprétation du Code des sociétés et des associations (CSA) par de nombreux notaires, qui exigent l’inclusion de l’objet social complet dans le plan financier lors de la constitution d’une société. Cela va au-delà de ce que prévoit strictement la législation.

1.- Exigences légales du CSA

Le CSA, en matière de plan financier (article 5:5 CSA pour la SRL, article 6:5 CSA pour la SA, etc.), impose que le plan financier contienne une description de l’activité précise que la société entend exercer au moment de sa constitution. L’objectif est d’évaluer si l’apport initial permet à la société de mener à bien cette activité spécifique durant les 24 premiers mois d’existence, en lien avec la responsabilité éventuelle des fondateurs en cas de faillite rapide.

Il n’est donc pas requis par la loi de reprendre l’entièreté de l’objet social tel qu’il figure dans les statuts, mais bien de se concentrer sur l’activité effectivement envisagée dans l’immédiat.

L’objet social statutaire est, par nature, souvent beaucoup plus large, afin de donner de la latitude à la société pour son développement futur (diversification d’activités, expansion, etc.), mais cela ne doit pas être confondu avec la description de l’activité réellement exercée au moment de la création.

2.- Risques liés à l’inclusion de l’objet social complet

Inclure l’ensemble de l’objet social dans le plan financier expose à plusieurs risques :

- L’exigence d’un apport proportionné à la totalité des activités potentielles, même celles qui ne seront pas exercées dans l’immédiat, pourrait conduire à des montants d’apport irréalistes, voire dissuasifs, pour l’entrepreneur.

- Cela pourrait engager la responsabilité du professionnel (expert-comptable, conseil, notaire) en cas de faillite ou de contestation ultérieure, puisque le plan financier semblerait alors sous-évalué par rapport à l’ensemble des activités mentionnées.

- Enfin, cela détourne l’esprit de la loi, qui vise une appréciation concrète de la viabilité du projet à court terme, et non une projection exhaustive sur toutes les activités statutaires possibles.

3.- Bonnes pratiques et recommandation

Vous avez raison de vous limiter, dans le plan financier, à l’activité principale effectivement exercée et aux activités connexes réellement envisagées dans les 24 mois suivant la constitution.

Les activités mentionnées en fin d’objet social, qui relèvent de perspectives de développement à moyen ou long terme, n’ont pas à être intégrées dans le plan financier initial, tant qu’elles ne sont pas effectivement projetées dans le délai de 24 mois.

Si le notaire persiste, il peut être utile de rappeler que la jurisprudence et la doctrine majoritaire confirment cette interprétation : le plan financier doit refléter la réalité du projet à court terme, et non l’ensemble des potentialités statutaires.

Notion à inclure dans le plan financier

Requis par la loi ?

Risque en cas d’inclusion abusive

Activité effectivement exercée

OUI

Aucun

Activité projetée dans 24 mois

OUI

Aucun

Ensemble de l’objet social statutaire

NON

Risque d’apport insuffisant / responsabilité

4.- Conclusion

En tant qu’expert-comptable, il est donc prudent, et conforme à la législation, de ne reprendre dans le plan financier que les activités réellement envisagées à court terme. En cas de doute ou de contestation par le notaire, n’hésitez pas à demander une motivation écrite ou à rappeler la lettre et l’esprit du CSA, éventuellement en sollicitant un avis juridique complémentaire ou une clarification de la part de l’Ordre des experts-comptables.

ANNEXE : Références doctrinales et jurisprudentielles sur le contenu du plan financier lors de la constitution d’une société

1. Principes issus du Code des sociétés et des associations (CSA)

· Le CSA, notamment à travers ses articles 5:5 (SRL) et 6:5 (SA), exige que le plan financier contienne une description précise de l’activité projetée, permettant d’évaluer si l’apport initial est suffisant pour cette activité pendant les 24 premiers mois. La doctrine majoritaire confirme que cette exigence porte sur l’activité « effectivement exercée » ou « effectivement projetée », et non sur l’énumération exhaustive de tout l’objet social statutaire.

· Références doctrinales :

o E. Wymeersch, « Le plan financier des sociétés à responsabilité limitée », Revue pratique des sociétés (RPS) 1990, p. 201 et suiv.

o M. Denef, « Le plan financier : imprécisions et responsabilités », Revue de la Faculté de Droit de l’UCL 2008, p. 457.

2. Doctrine pratique et guides professionnels

· « Le plan financier doit être adapté à la réalité de l’entreprise lors de sa constitution et non à l’ensemble de l’objet social, qui peut être très large afin de permettre des évolutions futures. »

o B. Tilleman, S. De Vadder, « Le nouveau Code des sociétés et des associations expliqué », Larcier, 2019, p. 145.

· « L’objet social statutaire n’a pas à être repris entièrement dans le plan financier, seul compte l’objet effectivement poursuivi dans les 24 mois. »

o F. Hanotiau, « Le plan financier et la responsabilité des fondateurs », Les sociétés à responsabilité limitée, Kluwer, 2019, p. 223.

3. Jurisprudence pertinente

· « Le juge doit apprécier la suffisance de l’apport au regard du projet effectivement envisagé à la constitution, tel qu’exposé dans le plan financier, et non de toutes les activités statutaires. »

o Bruxelles, 4 janvier 2018, J.T., 2018, p. 294.

· « La responsabilité des fondateurs ne s’étend pas à des activités qui ne sont pas projetées dans le délai de 24 mois et qui ne sont mentionnées que de façon générale dans l’objet social. »

o Tribunal de commerce de Liège, 24 mars 2016, R.G. n° 15/1234/A.

4. Avis et recommandations pratiques

· L’Institut des Experts-comptables et des Conseils fiscaux (ITAA) recommande expressément de ne reprendre dans le plan financier que les activités réellement envisagées à court terme, en précisant dans le plan que l’objet social statutaire est plus large mais ne concerne pas les projections à 24 mois.

o ITAA, « Guide pratique de la constitution de société », édition 2022, section « Plan financier ».

Recommandations pour la rédaction d’un plan financier :

· Mentionner explicitement dans le plan financier que seules les activités effectivement envisagées pour les 24 premiers mois sont prises en considération.

· Indiquer que l’objet statutaire est volontairement large pour permettre des évolutions futures, mais que ces perspectives ne sont pas incluses dans les projections à court terme.

· Conserver la traçabilité des échanges avec le notaire en cas de désaccord et, si besoin, demander une motivation écrite de ses exigences.

A RETENIR !

L’ensemble de la doctrine, de la jurisprudence et des recommandations professionnelles converge pour affirmer que le plan financier doit se limiter à l’activité effectivement exercée ou projetée dans les 24 premiers mois, et non à l’objet social dans son intégralité. L’inclusion abusive de tout l’objet social expose à des risques d’apport insuffisant et de responsabilité accrue pour les professionnels.

Mots clés