Le 3 avril 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé une interprétation renforcée du Règlement général sur la protection des données (RGPD) : les coordonnées professionnelles des représentants de personnes morales, telles que les administrateurs, sont bien des données à caractère personnel au sens du droit européen. Cette décision impose des ajustements pratiques significatifs, tant pour les entreprises privées que pour les autorités publiques.
Dans l’affaire C-33/22 (Ministère tchèque de la Santé), la CJUE a été amenée à déterminer si des informations telles que le nom, la fonction, l’adresse électronique ou le numéro de téléphone professionnel d’un représentant légal pouvaient être considérées comme des données à caractère personnel, même lorsqu’elles sont utilisées dans un contexte purement professionnel.
La Cour a répondu par l’affirmative : ces informations identifient, directement ou indirectement, une personne physique vivante, ce qui suffit pour déclencher l’application du RGPD.
Selon la CJUE, entrent dans le champ du RGPD toutes les informations relatives à une personne physique identifiable, même si :
Exemples courants de données désormais protégées :
Type de données professionnelles | Sont-elles protégées par le RGPD ? |
Nom d’un administrateur | ✅ Oui |
Adresse e-mail professionnelle | ✅ Oui |
Numéro de téléphone professionnel | ✅ Oui |
Fonction dans l’entreprise | ✅ Oui |
Signature manuscrite sur un contrat | ✅ Oui |
Jusqu’ici, de nombreuses organisations estimaient que les coordonnées professionnelles étaient exclues du champ d’application du RGPD, puisqu’elles ne révélaient rien de “privé”. Cette position est désormais invalide.
Cela signifie notamment que :
L’arrêt a également un effet direct pour les organismes publics, notamment :
Dès lors que les documents concernent des personnes physiques représentant des personnes morales (administrateurs, gérants, délégués), l’administration est tenue de :
Acteur concerné | Obligations principales | Actions recommandées |
Entreprise privée | Informer les administrateurs et mandataires sur l’usage de leurs données | Revoir les modèles de contrats et procédures d’envoi de documents officiels |
Autorité publique | Identifier et gérer les données personnelles dans les documents transmis ou publiés | Définir des procédures de contrôle avant publication |
Mandataires de société | Peuvent demander un accès, une rectification ou s’opposer à certains traitements | Intégrer la clause RGPD dans leur fonction ou contrat |
Conseiller juridique ou DPO | Doit veiller à la mise en conformité RGPD des flux documentaires | Actualiser la cartographie des traitements et les politiques internes |
Les professionnels du chiffre jouent un rôle-clé dans l’implémentation du RGPD pour leurs clients, en particulier lorsqu’il s’agit de formaliser les relations contractuelles, de constituer les sociétés ou d’assurer la publicité légale. Voici quelques bonnes pratiques à recommander :
Cette décision de la CJUE constitue un rappel essentiel : la qualité professionnelle d’une personne n’annule pas ses droits en matière de vie privée. La protection des données personnelles s’applique également aux administrateurs de sociétés et autres mandataires. Une vigilance accrue s’impose dans la gestion documentaire, y compris dans les communications professionnelles les plus courantes. Pour les experts-comptables, ce contexte renforce la nécessité d’un accompagnement rigoureux et documenté des clients dans la gestion de la conformité RGPD.
Références juridiques