L’obligation de facturation électronique B2B, prévue pour entrer en vigueur au 1er janvier 2026, est sans conteste une réforme structurante pour notre économie.
Son objectif — automatiser les échanges, réduire la fraude et moderniser la comptabilité — est partagé par l’ensemble de la profession.
Mais dès 2024, puis avec plus d’insistance encore en 2025, l’OECCBB alertait sur un décalage manifeste entre l’ambition politique et la capacité réelle des entreprises à s’adapter.
Lors de nos rencontres avec le cabinet du Ministre-Président Jan Jambon et la ministre Élénore Simonet, nous avons mis sur la table les chiffres du terrain :
Autrement dit, l’obligation était techniquement prématurée.
Nous avons donc plaidé pour un moratoire de raison, c’est-à-dire une période de transition destinée à permettre aux entreprises de se mettre en conformité sans risquer des sanctions injustes.
Notre analyse n’était pas une intuition isolée : elle s’appuyait sur les données économiques et sociales recueillies auprès des experts du terrain.
Le Baromètre des PME et des Experts-Comptables 2025, publié par Trends-Tendances en octobre dernier et réalisé en partenariat avec l’OECCBB, est venu confirmer ces constats.
Ce sondage, mené en septembre 2025, montre que :
mais beaucoup perçoivent encore cette transition comme une contrainte plus que comme une simplification ;
Le baromètre souligne aussi que la facturation électronique obligatoire constitue aujourd’hui le principal sujet de préoccupation et de mobilisation des experts-comptables.
Comme l’indique Emmanuel Degrève dans l’étude :
“La transition numérique est un domaine où nous accompagnons fortement nos clients, d’autant plus qu’elle touche directement notre secteur. Mais on ne peut réduire notre rôle à de l’encodage : les clients attendent beaucoup plus de nous, et leur niveau d’exigence a logiquement augmenté.”
Ces constats rejoignent point par point ceux que l’OECCBB avait défendus auprès des autorités : le décalage de préparation entre les grandes entreprises et les TPE/PME rendait le moratoire indispensable.
Le plaidoyer de l’OECCBB a reposé sur trois principes clairs :
1️⃣Le principe de proportionnalité.
Les amendes prévues (jusqu’à 5.000 euros par facture) étaient disproportionnées au regard de la réalité des moyens disponibles pour de nombreuses petites structures.
2️⃣Le principe de loyauté économique.
Les entreprises de bonne foi qui ont engagé leur transition ne peuvent être pénalisées pour des difficultés techniques indépendantes de leur volonté.
3️⃣Le principe d’efficacité.
L’obligation doit être un levier d’amélioration, pas une source d’angoisse.
Une digitalisation imposée sous la contrainte ne favorise ni l’efficacité, ni la confiance.
C’est dans ce cadre que l’OECCBB a interpellé les décideurs politiques et administratifs au nom de la profession.
Notre message était clair :
“La digitalisation ne se décrète pas, elle s’accompagne.”
Le SPF Finances a aujourd’hui pris acte de cette réalité, en annonçant une période de transition avec tolérance pour les entreprises ayant entrepris les démarches nécessaires.
Il ne s’agit pas d’un report formel, mais d’un moratoire de fait, fondé sur la confiance et le bon sens.
Cette décision confirme la clairvoyance et la pertinence du plaidoyer de l’OECCBB, et reconnaît l’importance de notre rôle d’interface entre le terrain et la décision publique.
Cette avancée profite d’abord aux entreprises :
elles disposent désormais d’un délai pour finaliser leur adaptation, former leur personnel et fiabiliser leurs flux de facturation.
Mais elle consacre aussi le rôle de la profession d’expert-comptable comme partenaire stratégique de la modernisation économique.
Le Baromètre TPE/PME 2025 le rappelait : 76 % des dirigeants d’entreprise considèrent leur expert-comptable comme un partenaire stratégique — pas comme un technicien.
Ce sont ces partenaires de confiance qui ont permis à la voix du terrain d’être entendue.
Ce moratoire n’est pas un recul.
C’est la preuve qu’un Ordre connecté à la réalité du terrain, fort de sa légitimité et de son expertise, peut influencer positivement la politique publique.
Nous avons défendu la réforme — mais dans un cadre humainement et économiquement soutenable.
Et nous avons eu raison de le faire.
À l’heure où la profession est parfois décrite comme silencieuse, l’OECCBB démontre qu’elle sait agir, convaincre et faire bouger les lignes.