• FR
  • NL
  • EN

L’aveu de faillite: anticipez les risques pour agir au bon moment

Chaque entreprise peut être confrontée à des difficultés de trésorerie. Lorsque la situation perdure, que les dettes s’accumulent et que les créanciers s’impatientent, une question redoutée finit par s’imposer : faut-il déclarer la faillite ? Existe-t-il des alternatives, comme la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ), la PRJ par accord amiable ou par accord collectif, la médiation d’entreprise ou encore la dissolution volontaire ?
Ces options sont prévues par le Livre XX du Code de droit économique (CDE), qui organise le traitement des entreprises en difficulté.

Dans cet article, nous faisons le point sur les conditions, les délais et les conséquences de l’aveu de faillite, afin de vous permettre d’anticiper les risques et d’agir au bon moment.

Qu’est-ce que l’aveu de faillite ?​​

L’aveu de faillite est la déclaration par laquelle une entreprise (société, ASBL ou personne physique) reconnaît :

  1. être en cessation persistante de paiement, et
  2. être en état d’ébranlement du crédit.

Ces conditions sont posées par l’article XX.99 CDE.
L’aveu est déposé via le Registre de la Solvabilité (REGSOL), ce qui entraîne la saisine automatique du tribunal de l’entreprise.

À ne pas confondre avec la faillite demandée par un créancier ou par le ministère public (art. XX.102 CDE).
Dans l’aveu, c’est l’entreprise elle-même qui prend l’initiative — ce qui est souvent considéré comme un acte de gestion saine et responsable.

Les conditions légales de la faillite

Selon l’article XX.99 CDE, deux conditions cumulatives sont exigées :

1. Cessation persistante de paiement

L’entreprise n’est plus en mesure de payer ses dettes exigibles de manière durable.

2. Ébranlement du crédit

Les créanciers ont perdu confiance : actions en justice, commandements de payer, saisies, refus de crédit bancaire…
La jurisprudence rappelle qu’un seul créancier impayé suffit à remplir cette condition, même pour un montant limité.

Le délai impératif pour déposer l’aveu​​

L’entreprise en faillite dispose d’un délai d’un mois pour déposer son aveu sur REGSOL (art. XX.102, §1er CDE), à partir du moment où les deux conditions légales sont remplies.

Ne pas respecter ce délai expose les dirigeants à :

  • une action en responsabilité personnelle (art. XX.225 CDE),
  • voire des sanctions pénales (art. XX.226 CDE), notamment en cas de retard volontaire ou de dissimulation.

Ce n’est pas une option : c’est une obligation légale impérative.

Comment savoir si le moment est venu

Beaucoup d’entreprises attendent des rentrées futures incertaines, mais certains signaux doivent alerter :

  • arriérés de TVA, ONSS ou précomptes,
  • retards persistants fournisseurs,
  • refus de crédit ou dénonciation des lignes bancaires,
  • saisies ou citations en justice.

S’y ajoute une autre obligation parfois négligée : la sonnette d’alarme (CSA)

Dans certaines formes de sociétés, lorsque l’actif net devient négatif ou menacé, les administrateurs doivent convoquer l’assemblée générale pour décider du sort de la société :

  • SRL : art. 5:153 à 5:155 CSA
  • SC : art. 6:67 à 6:69 CSA
  • SA : art. 7:228 à 7:231 CSA

Cette obligation vise à détecter et traiter à temps la détérioration financière.
Le non-respect de la sonnette d’alarme peut engager la responsabilité personnelle des administrateurs.

L’aveu de faillite comme outil de protection​​

Loin d’être un échec, l’aveu est souvent un acte de prudence.
Il permet :

  • une liquidation ordonnée par un curateur,
  • une protection contre les poursuites individuelles,
  • une limitation de la responsabilité des administrateurs qui ont agi dans les délais.

Certaines branches saines de l’activité peuvent être transférées ou reprises, ce qu’organise le Livre XX (notamment art. XX.142 et suivants sur la cession d’actifs).

? Un aveu déposé à temps évite bien souvent des poursuites ultérieures et facilite un rebond entrepreneurial.

Le rôle de l’expert-comptable​​

Un avocat spécialisé en droit de l’insolvabilité peut :

  • analyser objectivement la situation financière,
  • déterminer si les conditions de faillite sont remplies,
  • protéger le dirigeant contre d’éventuelles actions en responsabilité et le conseiller en conséquence
  • évaluer les alternatives (PRJ, médiation, accord amiable… – art. XX.84 à XX.102 CDE), les impacts comptables et fiscaux.

Et après l’aveu ?​​

Le tribunal examine l’aveu et prononce la faillite si les conditions sont remplies.
Il désigne un curateur chargé :

  • de réaliser les actifs,
  • de vérifier les créances,
  • de répartir les fonds (art. XX.110 et suivants CDE).

Le dirigeant doit coopérer, fournir les documents comptables et répondre aux demandes du curateur.

Certaines dettes peuvent subsister :

  • les cautions personnelles,
  • ou, pour les personnes physiques, lorsque l’effacement des dettes est refusé (art. XX.173 CDE).

Conclusion​​

La faillite n’est pas la fin — c’est parfois le début d’un redémarrage plus sain.
La clé est d’agir à temps, dans la transparence et dans le respect du CSA et du Livre XX.

Faire aveu de faillite, c’est :

  1. respecter l’obligation légale,
  2. limiter les risques personnels,
  3. protéger les créanciers,
  4. envisager un relancement d’activité

Mots clés