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La chronique. Fin de la déduction des intérêts hypothécaires: Conséquences et stratégies pour l'investisseur immobilier

Votre ordre préféré pense à vous. Chaque semaine, vous aurez désormais droit en exclusivité à une petite chronique centrée sur l’actualité et le contentieux fiscal. Une manière agréable et didactique de démarrer la semaine, de s’informer et d’informer vos clients si vous le souhaitez.

Elle n’est pas belle, la vie …


Fin de la déduction des intérêts hypothécaires : Conséquences et stratégies pour l'investisseur immobilier

Le projet n'est pas encore voté, mais il est acquis qu’à compter des revenus 2025, une personne physique ne pourra plus déduire de ses revenus immobiliers les intérêts hypothécaires de ses emprunts immobiliers autres que celui afférent à l'acquisition de son habitation principale.


Il s'agit d'une véritable révolution pour tout investisseur immobilier.

En effet, les bases de taxation elles-mêmes ne changeront pas.

La personne physique belge qui loue un immeuble affecté exclusivement à la résidence privée de son occupant sera toujours taxable sur 140% du revenu cadastral indexé de l’immeuble

La même personne physique, si elle loue un immeuble à une société ou à une personne physique qui l'affecte totalement ou partiellement à une activité professionnelle, sera taxée sur le montant net du loyer et des avantages locatifs, c'est-à-dire le montant du loyer brut diminué d'un abattement de 40% pour les immeubles bâtis, abattement lui-même limité à 2/3 du revenu cadastral indexé et revalorisé de l’immeuble.


Si les bases de taxation ne sont pas modifiées, les bases de déduction changent du tout au tout.

En effet, les avantages fiscaux liés à l'acquisition immobilière, désormais régionalisés, ont déjà virtuellement disparu et seule restait dès lors la déduction ordinaire d'intérêt qui disparaît dans le cadre de la réforme.

En pratique, cela signifie que dans la majeure partie des cas, la base de taxation définie ci-dessus restera, mais que cette base de taxation ne sera plus diminuée voire supprimée par la déduction des intérêts hypothécaires payés par l'investisseur endetté.

Il en résultera nécessairement une base d'imposition et, dans la mesure où les revenus immobiliers font partie du revenu imposable globalement taxé aux taux progressifs par tranches, dès le moment où cette nouvelle base d'imposition s'ajoutera à, par exemple, des revenus professionnels également taxables globalement, on peut tabler sur un taux d'imposition de 50% dans de nombreux cas, majorés des centimes additionnels communaux.

Ce sera bien évidemment une catastrophe pour les investisseurs immobiliers fortement endettés, comptant sur le montant de leurs loyers pour rembourser leurs emprunts bancaires, et qui devront dès lors trouver la trésorerie nécessaire pour faire face au paiement de l'impôt ou prendre d'autres dispositions consistant notamment en la vente de certains de leurs immeubles ou à tout le moins leur transfert dans une société immobilière.


On peut se demander si le législateur a bien réfléchi aux conséquences pratiques de ses choix.

Rappelons que la nouvelle disposition sera applicable à l'intégralité des emprunts en cours même anciens.

Premier constat, dans le futur, l’investisseur immobilier prendra nécessairement en compte dans son calcul de rentabilité cette nouvelle charge fiscale, laquelle s'ajoute déjà, pour les locations privées, à la charge du précompte immobilier qu'il est légalement interdit de faire supporter au locataire.

Il prendra aussi en compte l’état du patrimoine immobilier, lequel est largement vieillissant de sorte que tout un investisseur n'achetant pas du neuf devra s'attendre à devoir consentir d'importants investissements en travaux, indispensables pour que le bien ne devienne pas où cesse d'être une passoire énergétique invendable et inlouable à terme.

Le tout dans un marché hypothécaire où les taux sont relativement hauts et semblent devoir se maintenir à ce niveau.

De nombreux analystes du marché immobilier s'interrogent sur le fait que la rentabilité de tels investissements est déjà faible et incertaine, surtout dans la mesure où il est de manière générale difficile voire impossible de faire supporter ces surcoûts fiscaux au locataire par le biais de l'augmentation des loyers, qui ne peut être imposée en cours de contrat et qui ne peut pas forcément être répercutée en cas de remise en location d'un bien inoccupé.

Sachant par ailleurs que de nombreux constructeurs professionnels traversent à l'heure actuelle de profondes difficultés financières, on peut dès lors s'attendre à, à tout le moins, un sérieux tassement du marché immobilier.

Il reste à examiner la situation des propriétaires immobiliers qui verront leur charge fiscale augmentée, particulièrement lorsqu'ils ont décidé d'investir dans des biens de nature professionnelle ou à tout le moins destinés à être affectés totalement ou partiellement à un usage professionnel.

En effet leur base de taxation est plus importante que les bailleurs de logements purement privés et dès lors le différentiel causé par la disparition de la déduction des intérêts hypothécaires sera notablement plus important dans leur chef.


Que peut-on conseiller à ces investisseurs ?

Tout d'abord de s'interroger et d’analyser les conséquences pratiques et financières de cette nouvelle donne fiscale.

Dans certains cas, il s'agira simplement d'une mauvaise nouvelle qui n’impactera pas notablement le futur de leurs investissements, même si elle en plombera quelque peu la rentabilité.

Malheureusement si ce premier constat aboutit à une situation intenable à long terme, deux options devront être sérieusement envisagées.

La première consistera en la revente d'une partie des immeubles et la seconde à la constitution d'une société immobilière à laquelle seront apportés ou vendus tout ou partie des immeubles actuellement détenus en personne physique.


Cette solution présente à la fois des avantages et des inconvénients.

Le principal avantage est que si l'investissement et l’endettement sont structurés convenablement, les amortissements et la déduction des intérêts hypothécaires et autres frais charges et travaux dans le chef de la société immobilière (les sociétés ne sont pas visées par les nouvelles dispositions), pourront aboutir à fortement limiter voire annuler toute base d'imposition, ce qui permet bien entendu à la fois de développer une politique d'acquisition et d’endettement et de résoudre le problème.

Le deuxième avantage est bien entendu d'ordre patrimonial à savoir que les parts de la société immobilière pourront être aisément transmissibles à la génération suivante sans frais ou avec des droits d'enregistrement fortement limités.

Les principaux inconvénients de cette solution sont d’une part le coût de sa mise en place, notamment le paiement des droits d’enregistrement applicables en cas de cession d’immeubles et d’autre part le fait que toute remontée de cash sous forme de dividendes de la société immobilière fera l'objet d'un prélèvement au précompte mobilier.

Par ailleurs, si la société immobilière revend dans l'avenir tout ou partie des immeubles qui seront désormais sa propriété, elle subira un impôt des sociétés de 25% sur la plus-value, laquelle sera d'autant plus importante que le bien aura été amorti au fil des années et alors que sa valeur intrinsèque de marché aura augmenté par le simple écoulement du temps.

Ce à quoi il faudra ajouter le précompte immobilier sur le boni de liquidation ou, à tout le moins, la charge de constitution d’une réserve de liquidation sur le bénéfice après impôts sur la plus-value résultant de la cession du ou des immeubles.

En conclusion, toute situation devra bien entendu être examinée au cas par cas, mais on peut concevoir que cette révolution fiscale est de nature à causer un dommage important à nombre d’investisseurs immobiliers et aux différents acteurs du marché.

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