
Analyse pour les experts-comptables et conseillers fiscaux
Le paysage de la fiscalité internationale continue d’évoluer sous l’effet combiné des nouvelles formes de travail, de la mobilité numérique, de la pression sur les chaînes de valeur mondiales et des besoins croissants de sécurité juridique. La mise à jour 2025 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, approuvée par le Conseil de l’Organisation le 18 novembre 2025, constitue l’une des révisions les plus significatives depuis l’ère BEPS.
Le document publié — et dont les principales modifications figurent notamment aux pages 5 à 7 du rapport officiel — apporte des clarifications essentielles sur le télétravail international, la fiscalité des ressources naturelles, les mécanismes de règlement des différends, les prix de transfert, ainsi que l’échange de renseignements .
Ce texte ambitionne d’exposer ces changements majeurs de manière analytique et illustrée.
La pandémie de Covid-19 a durablement transformé les modalités de travail. Les entreprises multinationales emploient aujourd’hui des collaborateurs pouvant exercer, parfois de façon ponctuelle mais parfois aussi de manière régulière, depuis un autre État que celui de l’employeur.
Jusqu’ici, la question centrale était : dans quelles circonstances un domicile étranger constitue-t-il un établissement stable (ES) au sens de l’article 5 ?
La mise à jour 2025 précise que le domicile d’un salarié ou d’un dirigeant peut constituer un « lieu d’affaires » de l’entreprise lorsque :
Ces orientations modernisent formellement les commentaires de l’article 5 et remplacent les anciennes mentions supprimées aux paragraphes 18 et 19 du commentaire précédent .
Une entreprise belge emploie un spécialiste IT qui s’installe au Portugal. L’entreprise ne dispose pas de bureau sur place et exige que le travail soit effectué quotidiennement depuis le domicile. L’activité du salarié est essentielle au développement du produit central.
→ Dans ce cas, le domicile portugais peut constituer un établissement stable portugais, entraînant des obligations fiscales locales.
Les États dotés de ressources extractives ont longtemps réclamé un renforcement de la taxation à la source. La mise à jour 2025 introduit :
Cette mesure vise à mieux refléter les besoins des économies riches en ressources naturelles et à sécuriser leurs droits d’imposition .
Les commentaires de l’article 9 sont enrichis pour :
Ces précisions sont complétées par des ajustements aux articles 7 et 24, afin de renforcer la cohérence globale.
Le nouvel alinéa 6 de l’article 25 clarifie la relation entre les conventions fiscales et l’Accord général sur le commerce des services (AGCS).
Désormais, pour déterminer si un différend relève réellement d’une convention fiscale :
Cette clarification renforce la sécurité juridique dans un domaine où les frontières entre fiscalité et échanges commerciaux devenaient parfois floues.
La mise à jour rappelle explicitement que :
Cette évolution renforce l’efficacité administrative et s’inscrit dans la continuité des standards internationaux (MAC, CRS, etc.).
Thème | Contenu de la mise à jour | Impact pratique |
Télétravail international | Clarification du domicile comme lieu d’affaires (art. 5) | Sécurité juridique accrue ; risque d’ES à re-cartographier |
Ressources naturelles | Nouveau régime alternatif ; seuil réduit | Renforcement de la taxation à la source, surtout pour pays en développement |
Prix de transfert | Ajustements article 9 + renvois BEPS | Harmonisation internationale ; documentation renforcée |
Règlement des différends | Nouveau §6 article 25 et articulation AGCS | Réduction des conflits fiscaux/commerciaux |
Échange de renseignements | Usages étendus ; clarifications sur la confidentialité | Meilleure efficacité des contrôles fiscaux |
1. Réviser les politiques internes liées au travail international.
Les entreprises doivent analyser :
2. Cartographier les chaînes de valeur extractives.
Les acteurs de l’énergie, du maritime ou du minier doivent revoir leurs modèles fiscaux bilatéraux.
3. Actualiser la documentation prix de transfert.
Les nouvelles orientations exigent une documentation plus fine sur les intérêts, garanties intragroupe et fonctions financières.
4. Anticiper les impacts dans les conventions existantes.
Les États intégreront progressivement ces mises à jour dans leurs renégociations bilatérales dès 2026.
5. Former les équipes RH, mobilité internationale et compliance.
Le télétravail international devient un enjeu fiscal décisif : coordination obligatoire entre fiscal, RH et juridique.
La mise à jour 2025 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE marque une nouvelle étape dans l’adaptation de la fiscalité internationale aux réalités contemporaines : travail hybride, économie mobile, ressources naturelles critiques et besoin croissant de cohérence globale.
Pour les experts-comptables et conseillers fiscaux, ces changements exigent une attention immédiate : les entreprises devront ajuster leurs modèles opérationnels, leur gouvernance fiscale et leurs analyses de risques. Plus que jamais, la compréhension fine des conventions fiscales devient un avantage stratégique.