
On peut en débattre longuement, mais un point fait consensus : le pays avait besoin d’un accord budgétaire clair, chiffré et pluriannuel. Après des semaines de blocage et une mise en scène assumée de la « dramatisation » institutionnelle, l’Arizona a enfin bouclé un compromis de 9,2 milliards d’euros d’effort d’ici 2029.
À ce titre, il faut se réjouir qu’un accord existe : la Belgique ne pouvait pas rester durablement dans l’incertitude, ni vis-à-vis des marchés, ni vis-à-vis de l’Europe, ni vis-à-vis des entreprises qui doivent investir, embaucher, signer des crédits et bâtir des plans à cinq ou dix ans.
Mais se réjouir de l’existence d’un accord ne nous dispense pas d’exprimer quelques regrets lucides :
À la lecture détaillée des mesures, un fil rouge apparaît : on empile des couches là où l’on aurait espéré des lignes claires.
On ne touche pas aux taux de TVA, mais on revoit leur périmètre : nuitées d’hôtel, abonnements sportifs, divertissement, gaz résidentiel… Quelques pourcents en plus ici, quelques accises en plus là, des baisses ciblées sur l’électricité ou les boissons non alcoolisées pour compenser partiellement.
On maintient l’indexation automatique des salaires – ce qui est un signal social fort – mais en la plafonnant à 4.000 euros deux fois sur la législature. On accélère la réforme de l’impôt des personnes physiques pour les bas revenus, tout en reportant d’un an le grand geste sur la quotité exemptée, amputée d’un milliard.
Pour les professions économiques, fiscales et comptables, le constat est clair : "le budget est stabilisé, mais la lisibilité du système ne l’est pas."
La cohérence d’ensemble se comprend sur un plan macroéconomique et européen. Sur le terrain, en revanche, chaque nouveau dispositif, chaque seuil, chaque exception et chaque transition vient alourdir un édifice réglementaire que plus personne ne maîtrise vraiment sans accompagnement spécialisé.
L’un des messages politiques forts de l’accord tient dans la contribution des « épaules les plus larges ». Sur le principe, personne ne conteste qu’un effort budgétaire doit être justement réparti. Mais dans le détail, on voit se dessiner un schéma préoccupant pour les dirigeants, cadres et entrepreneurs.
Le relèvement du VVPRbis de 15 à 18 % s’inscrit dans une logique assumée : faire contribuer davantage les distributions de bénéfices réalisées via des petites sociétés. Officiellement, la mesure est présentée comme une réponse aux abus supposés des sociétés de management. En réalité, elle concerne toutes les PME qui utilisent ce régime pour financer leur patrimoine, leur retraite, leurs investissements.
En parallèle :
Pris isolément, chacun de ces choix peut se discuter. Pris ensemble, ils dessinent une trajectoire : le capital professionnel, le patrimoine financier et les outils de sécurisation du revenu des dirigeants et cadres deviennent des cibles fiscales récurrentes.
Est-ce bien raisonnable, dans un pays qui a besoin d’investissements, de prise de risque, d’innovation et d’entrepreneuriat pour financer justement son modèle social ?
Les experts réunis aujourd’hui pour la Journée de la société de management l’ont exprimé avec des mots différents, mais un même sentiment :
Quand les dirigeants ont l’impression d’être systématiquement placés au cœur des dispositifs de rendement – plus-values, dividendes, holdings patrimoniales, droits d’auteur, régimes de stock-options, indexation plafonnée sur les rémunérations plus élevées – la confiance dans la stabilité du cadre fiscal s’érode.
Or, sans confiance, on n’investit pas, ou du moins pas avec la même intensité, ni dans les mêmes juridictions. La Belgique ne peut pas se permettre d’envoyer en permanence un message ambigu : « Investissez, prenez des risques, créez de l’emploi… mais attendez-vous à être les premiers appelés quand il faut boucler un budget. »
Comme Ordre professionnel, nous nous gardons de tout commentaire partisan sur les choix politiques. Ce n’est pas notre rôle. En revanche, il est de notre devoir d’alerter sur trois points :
L’Ordre des Experts-Comptables et Comptables Brevetés de Belgique entend rester une force de proposition et d’accompagnement au service de l’intérêt public.
Nous continuerons à :
Notre ambition est simple, mais exigeante : aider le monde politique, législatif et administratif à transformer ces compromis budgétaires en un cadre qui soutienne réellement l’investissement, l’emploi et la confiance.
Sur ce chemin, l’Ordre sera toujours un partenaire exigeant, mais loyal, au service de l’économie réelle et de l’intérêt général.