Elle n’est pas belle, la vie …
Thierry Litannie, Avocat Fiscaliste et Administrateur de l’OECCBB
Des saisies fiscales comme s’il en pleuvait !
Le nombre des saisies pratiquées par l’administration fiscale s’est multiplié durant les dernières années.
Selon un récent rapport évoqué dans la presse, il a été multiplié par 4 en 4 ans pour dépasser le million de procédures l’année dernière.
Quels sont les facteurs de nature à expliquer cette augmentation ?
Tout d’abord, le fisc récupère ses propres créances, c’est à dire les créances purement fiscales (IPP, ISOC, TVA, IPM) mais est également chargé du recouvrement d’autres types de créances, comme celles du ministère de la Justice (il s’agit essentiellement des amendes pénales et plus particulièrement des amendes de roulage), des arriérés de pensions alimentaires et de certaines créances de l’ONSS.
Ensuite, le fisc connaît tout de nos patrimoines. Les services de recouvrement ont accès au point contact des comptes et des contrats bancaires, comportant l’ensemble des comptes de l’ensemble des résidents fiscaux belges auprès de l’ensemble des banques belges et des établissements belges de banques étrangères et le solde de ces comptes.
Il connaît tout de nos avoirs immobiliers par le biais de l’enregistrement et rien ne lui échappe de nos avoirs mobiliers et immobiliers étrangers par le biais de l’échange automatique d’informations fiscales aboutissants aux fiches CRS que l’on retrouve dans n’importe quel dossier MY-MINFIN.
Il reçoit de manière automatique les informations relatives aux revenus perçus par les Belges via les plateformes électroniques de vente ou de location immobilière et recevra dès l’an prochain les mêmes informations des plateformes de détention et de commercialisation de cryptomonnaies.
Alors que certains s’émeuvent de l’éventuelle création d’un cadastre des fortunes, force est de constater qu’il existe déjà dans les faits…
Et toute cette information est maintenant exploitée de manière structurée, systématique et professionnelle.
Cette nouvelle organisation, qui fait la part belle à l’informatisation, l’automatisation et bientôt l’intelligence artificielle, explique également la multiplication des procédures de saisies, qui concernant non seulement le contribuable lui-même, mais également les tiers.
En effet, l’administration fait de plus en plus souvent appel à la procédure de saisie-arrêt, qui consiste à saisir entre les mains d’un tiers les montants devant revenir à un contribuable par ailleurs endetté vis-à-vis de l’administration fiscale.
Quels tiers ? Eh bien, essentiellement les banques auprès desquelles le contribuable détient des comptes, les entreprises dont ce contribuable est un salarié ou un dirigeant ou encore des locataires dont le bailleur est endetté vis-à-vis de l’administration fiscale.
Enfin, et surtout, l’administration fiscale est un créancier privilégié puisqu’il se délivre à lui-même son propre titre exécutoire et n’a donc pas s’adresser, comme tous les autres créanciers, au juge des saisies pour obtenir d’autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt par voie d’huissier.
Il dispose au contraire du droit de pratiquer lui-même une saisie-arrêt simplifiée qui prend la forme d’une simple lettre recommandée, adressée au tiers saisi et l’informant de la procédure.
Toute personne physique ou morale recevant une saisie-arrêt simplifiée en matière fiscale (ou une saisie-arrêt ordinaire par voie d’huissier) a deux obligations.
Tout d’abord, il lui est interdit de se défaire des sommes faisant l’objet de la saisie et devant revenir au saisi.
S’il ne respecte pas cette obligation, il peut être amené à les payer une deuxième fois au créancier saisissant, vis-à-vis duquel les paiements opérés ultérieurement au profit du saisi sont inopposables.
La deuxième obligation est de faire dans les 15 jours de la saisie une déclaration de tiers saisi, qui doit être envoyée au créancier saisissant et décrire les montants dont le tiers saisi est redevable au débiteur saisi.
Attention, le non-respect de cette obligation peut conduire le tiers saisi à être condamné comme débiteur pur et simple des causes de la saisie.
C’est-à-dire, en termes plus simples : vous avez fait l’objet d’une saisie-arrêt, vous n’avez pas fait votre déclaration dans les délais, c’est donc à vous de payer ce que le contribuable me doit, moi, administration fiscale !
Notons que si une saisie sur salaire est pratiquée chez un employeur et concerne un travailleur salarié, ce dernier peut conserver un montant minimal insaisissable, dont les montants sont progressifs par tranches et sont fixées chaque année par arrêté royal.
Mais ces montants ne sont applicables qu’aux salariés et pas aux dirigeants d’entreprises.
Par ailleurs, on assiste à l’étonnante résurrection de dettes fiscales parfois très anciennes et que l’on pensait oubliées.
Que faire à la réception d’une saisie ? Vérifier que la dette n’est pas prescrite (Le délai ordinaire de prescription est de 5 ans, le fisc pouvant recréer un nouveau délai de 5 ans en faisant signifier au contribuable un commandement interruptif de prescription) et que l’on est bien redevable des sommes litigieuses.
A cet égard, il arrive malheureusement souvent que l’un des conjoints se voie réclamer les dettes fiscales de l’autre longtemps après le divorce.
Dans ce cas, il faut vérifier si les dettes concernent bien les revenus afférents à la période du mariage et si les biens saisis ne sont pas des biens propres du conjoint faisant l’objet de la saisie.
S’ils le sont, l’administration ne peut ni les saisir ni les faire vendre pur payer les dettes fiscales de l’autre conjoint. A vérifier donc, plutôt deux fois qu’une …