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Attitude de l’expert-comptable belge face à une demande de renseignements directe de l’administration fiscale

1. Vérification de la régularité et du fondement juridique de la demande

Lorsqu’une demande de renseignements est reçue directement du SPF Finances — que ce soit par courrier ou via MyMinfin —, la première étape consiste à vérifier la légalité formelle et matérielle de cette demande.

Base légale principale : Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 92)

  • Article 315, CIR 92 : autorise l’administration à demander à tout contribuable des éclaircissements et renseignements utiles à la détermination correcte de l’impôt.
  • Article 322, CIR 92 : étend cette faculté aux tiers, qui peuvent être invités à fournir des renseignements utiles à l’établissement de l’impôt d’autrui.
  • Article 323, CIR 92 : encadre les visites et perquisitions fiscales.

Conditions de validité de la demande

La jurisprudence (Cour de cassation, 20 mai 2005, F.03.0041.F) précise que :

  • la demande doit être précise et motivée ;
  • elle doit se rapporter à des éléments pertinents pour la taxation ;
  • elle doit respecter le principe de proportionnalité, tel que confirmé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 17 décembre 2015, WebMindLicenses, C-419/14, applicable en matière de TVA mais transposable en matière d’ISoc et d’IPP).

Si la demande n’est pas suffisamment précise, il est possible d’inviter l’administration à la reformuler, sans que cela constitue une entrave à ses pouvoirs.


2.Secret professionnel de l’expert-comptable

Base légale

  • Article 58 de la loi du 17 mars 2019 portant réforme de l’Institut des Conseillers fiscaux et des Experts-comptables (ITAA) : impose aux membres un secret professionnel absolu, couvrant « tous les faits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession ».
  • Article 458 du Code pénal : sanctionne pénalement la violation du secret professionnel.
  • Code de déontologie de l’ITAA (articles 10.1 à 10.4) : rappelle l’interdiction de divulguer des informations confidentielles, sauf exceptions prévues par la loi ou accord écrit du client.

Application en matière fiscale

L’article 322, alinéa 2, CIR 92 dispose que certaines catégories de personnes ne peuvent être contraintes à fournir des renseignements couverts par le secret professionnel, sauf disposition contraire.

Cela inclut notamment les avocats, médecins, notaires et, par analogie, les experts-comptables certifiés ou non affiliés à l’ITAA.

Doctrine

A. Marchandise, Secret professionnel et demandes de renseignements fiscales, Revue Générale de Fiscalité, 2014, p. 221 :

« L’article 322 CIR ne lève pas le secret professionnel. Une demande adressée à un tiers soumis au secret doit être refusée poliment en rappelant la protection légale. »

P. Van Thielen, Les pouvoirs d’investigation de l’administration fiscale, Fiscologue, n° 1534, 2018 :

« Les experts-comptables sont dans une position analogue à celle des avocats en ce qui concerne les informations protégées. Ils ne peuvent répondre sans autorisation expresse ou base légale claire. »

Jurisprudence

  • Cass., 3 octobre 2013, F.12.0050.F :
    L’administration ne peut pas contraindre un tiers à fournir des informations couvertes par le secret professionnel, sauf disposition explicite contraire.
  • Cour d’appel de Liège, 14 janvier 2016 :
    Un expert-comptable ayant répondu spontanément à une demande sans mandat écrit du client a été jugé fautif vis-à-vis du client, engageant ainsi sa responsabilité civile.

  • 3. RGPD et protection des données
    En tant que professionnel, l’expert-comptable est responsable du traitement des données personnelles qu’il détient.
    Le Règlement général sur la protection des données (RGPD – Règlement (UE) 2016/679) et la loi belge du 30 juillet 2018 imposent plusieurs obligations :
    • Principe de minimisation (art. 5, §1, c) RGPD) : seules les données strictement nécessaires à la finalité peuvent être transmises.
    • Base légale claire (art. 6 RGPD) : la transmission à l’administration fiscale doit reposer sur une obligation légale ou un mandat écrit du client.
    • Sécurité de la transmission (art. 32 RGPD) : les échanges doivent s’effectuer par canaux sécurisés (MyMinfin, courrier recommandé, envoi crypté, etc.).
      Une transmission non justifiée ou trop large peut exposer l’expert-comptable à des sanctions de l’Autorité de protection des données (APD), ainsi qu’à des réclamations du client.


4. Information et coordination avec le client

Dès réception de la demande, il convient de :

  1. Informer immédiatement le client par écrit et lui transmettre une copie intégrale de la demande.
  2. Expliquer les fondements légaux et les enjeux (délais, obligations, secret professionnel).
  3. Obtenir un mandat écrit s’il demande à l’expert-comptable de répondre en son nom.
  4. Documenter chaque étape dans le dossier permanent.

Jurisprudence — Cour d’appel de Bruxelles, 22 mai 2014 :

« L’expert-comptable qui répond à une demande de renseignements sans informer son client et sans mandat viole son devoir de loyauté et engage sa responsabilité. »


5. Bonnes pratiques professionnelles

  • Archiver systématiquement la demande et la réponse.
  • Limiter strictement les informations transmises à ce qui est requis.
  • Répondre exclusivement par écrit et sur base d’une fondation légale.
  • En cas de demande trop large ou imprécise, répondre poliment en invoquant le secret professionnel et en sollicitant une reformulation.
  • Ne jamais répondre oralement ni transmettre spontanément des documents en dehors du cadre légal.


Tableau récapitulatif

Élément

Bonne pratique

Références

Régularité de la demande

Vérifier la base légale et la précision

Art. 315–322 CIR 92 ; Cass. 20.05.2005

Secret professionnel

Refuser poliment sans base légale ou mandat

Art. 58 Loi 17.03.2019 ; art. 458 C. pén. ; doctrine Marchandise & Van Thielen

RGPD

Minimisation et base légale claire

Art. 5 & 6 RGPD ; Loi 30.07.2018

Relation client

Informer, demander accord écrit, documenter

C. App. Bruxelles, 22.05.2014

Preuve et traçabilité

Archiver l’ensemble du dossier

Code de déontologie ITAA

Mots clés

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