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Vers une simplification du consentement aux cookies: quel impact pour les entreprises et leurs conseillers ?

Depuis 2009, la directive européenne ePrivacy impose aux sites web de recueillir un accord explicite avant de déposer des cookies, sauf pour ceux qualifiés de « strictement nécessaires » (article 5, § 3 de la directive 2002/58/CE).

L’objectif initial était clair : redonner le contrôle aux utilisateurs sur leurs données personnelles. Mais dans la pratique, le mécanisme s’est transformé en une routine de clics quasi-automatiques, qualifiée aujourd’hui de « fatigue du consentement ».

Face à cette dérive, la Commission européenne propose une réforme visant à alléger les démarches pour les utilisateurs comme pour les entreprises, tout en préservant le droit fondamental à la protection des données (article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et RGPD).


1. Le système actuel : entre bonnes intentions et lourdeurs pratiques

Le cadre actuel découle de la directive ePrivacy de 2002, modifiée en 2009, et du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Concrètement, tout cookie non « strictement nécessaire » (par exemple pour l’analyse statistique ou la publicité ciblée) nécessite un consentement préalable, libre, éclairé et spécifique.

Ce régime a conduit à la prolifération de bannières, avec plusieurs conséquences :

  • une expérience utilisateur dégradée, marquée par des clics répétés ;
  • un risque juridique en cas d’implémentation incomplète (amendes possibles sur base des articles 5 et 6 RGPD et de l’article 82 ePrivacy) ;
  • une charge administrative importante, notamment pour les PME, tenues de mettre à jour leurs outils de gestion du consentement.


2. Le projet de réforme : vers une centralisation du consentement

Dans une communication du 16 septembre 2025, la Commission européenne esquisse un mécanisme centralisé :

  • L’utilisateur enregistrerait une seule fois ses préférences, par exemple dans son navigateur ou un gestionnaire intégré.
  • Ces choix seraient automatiquement pris en compte lors de la visite de chaque site.

L’objectif affiché est double :

Objectif

Effet attendu

Réduction de la « fatigue du consentement »

Moins de clics, expérience plus fluide pour l’internaute.

Allégement administratif

Moins de bannières et de mises à jour pour les entreprises, économies de temps et de coûts.

Cette réforme s’inscrit dans le programme « Digital Omnibus », attendu pour décembre 2025, et vise une réduction de 25 % des charges administratives en Europe, voire 35 % pour les PME.


3. Un équilibre délicat : simplification vs. protection des données

Si la simplification séduit le secteur numérique, plusieurs ONG spécialisées en protection de la vie privée s’inquiètent.

Selon European Digital Rights (EDRi), élargir la notion de cookies « essentiels » pourrait créer une brèche pour la publicité ciblée, en affaiblissant le consentement explicite exigé par le RGPD (article 7).

L’enjeu est donc de redéfinir prudemment les catégories de cookies qui pourraient être exemptés, en veillant à ce que la finalité « strictement nécessaire » ne soit pas interprétée de façon trop large.


4. Conséquences pratiques pour les entreprises et les conseillers

Pour les entreprises, cabinets comptables compris, les implications sont multiples :

  • Audit des cookies et traceurs : identifier ceux qui relèvent de la stricte nécessité et ceux nécessitant un consentement explicite.
  • Révision des politiques de confidentialité et de la documentation RGPD, y compris les registres de traitements (art. 30 RGPD).
  • Suivi des évolutions techniques : se préparer à l’adoption d’outils ou de navigateurs intégrant la gestion centralisée du consentement.

Pour les experts-comptables, ce chantier offre l’occasion :

  • d’accompagner les clients dans l’évaluation des risques RGPD ;
  • de budgéter les adaptations techniques ou organisationnelles ;
  • de veiller à la conformité juridique, en anticipant les éventuelles obligations nationales (par exemple, rôle de l’Autorité de protection des données en Belgique).


5. Tableau de synthèse

Point clé

Situation actuelle

Réforme envisagée

Base légale

Directive ePrivacy (2002/58/CE modifiée) + RGPD

Intégration dans le projet Digital Omnibus

Consentement

À recueillir site par site, sauf cookies strictement nécessaires

Préférences enregistrées une fois pour toutes (navigateur ou outil central)

Charges pour les entreprises

Mise à jour continue des bannières, documentation RGPD

Réduction estimée de 25 % des coûts administratifs (35 % pour les PME)

Risque pour la vie privée

Consentement explicite requis

Crainte d’un élargissement excessif des cookies « essentiels »


6. Recommandations pour les membres de l’OECCBB

  1. Informer les clients : expliquer que la réforme n’est pas une suppression des obligations, mais une évolution de leur mise en œuvre.
  2. Anticiper la transition : réaliser un inventaire des cookies et des outils de gestion du consentement actuellement en place.
  3. Suivre la consultation publique (ouverte jusqu’au 14 octobre 2025) pour éventuellement soumettre des avis sectoriels, notamment au nom de clients concernés par la publicité ou l’e-commerce.
  4. Mettre à jour les politiques de confidentialité et les registres de traitement dès la publication des textes définitifs.


7. En résumé

La réforme européenne annoncée vise à simplifier la gestion du consentement aux cookies, à réduire la charge administrative et à améliorer l’expérience utilisateur. Elle suppose néanmoins une vigilance juridique afin que la protection des données personnelles, garantie par le RGPD et la Charte des droits fondamentaux de l’UE, ne soit pas affaiblie.

Pour les experts-comptables, l’enjeu est double : accompagner les entreprises dans l’adaptation de leurs pratiques et rester attentifs à l’équilibre entre simplification et conformité juridique.


Références légales et sources

  • Directive 2002/58/CE (ePrivacy), art. 5, §3.
  • Règlement (UE) 2016/679 (RGPD), art. 6 et 7 (consentement) et art. 30 (registre des traitements).
  • Communication de la Commission européenne du 16 septembre 2025 sur la simplification des cookies, dans le cadre du projet Digital Omnibus.
  • Contributions et analyses citées par Politico et European Digital Rights (EDRi).

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