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Money, money, money: Flandre et Wallonie ajustent l’avenir de leur fiscalité pendant que Bruxelles cherche le sien!

Des réformes qui s’enchaînent.

Le mois de décembre de l’année dernière s’est révélé porteur de réformes en matière de droits d’enregistrement et de succession au nord et au sud du Royaume. Alors que la Wallonie adoptait le 5 décembre 2024 son décret portant réforme de la fiscalité wallonne, la Flandre lui a emboité le pas le 20 décembre 2024 en entérinant son décret-programme accompagnant le budget 2025.

Si les mesures wallonnes ont déjà largement été commentées dans une précédente édition à laquelle nous renvoyons[1], nous nous focaliserons ici sur la réforme flamande, tout en nous arrêtant toutefois sur un point de la réforme wallonne qui n’était pas encore annoncé lorsque nous écrivions notre commentaire de la réforme projetée à l’époque.


La Flandre met sur les rails sa réforme fiscale.

Le 30 septembre 2024, dans sa déclaration de politique régionale, le Gouvernement flamand, mené par la coalition N-VA, Vooruit et CD&V, annonçait sa volonté de réformer sa fiscalité régionale.

Si la majeure partie de la réforme annoncée et attendue est toujours dans les limbes à défaut de projet de décret déposé à ce propos, l’entrée en vigueur de la première phase de la réforme était toutefois prévue pour le 1er janvier 2025 comme l’indiquait Ben Weyts, le ministre chargé du Budget et des Finances. C’est désormais chose faite. En effet, aux termes de son décret-programme du 20 décembre dernier, la Région flamande a modifié certaines dispositions de sa législation fiscale entrant en vigueur le 1er janvier 2025.


Première phase de la réforme flamande des droits de succession.

En matière de droits de succession, la Flandre a emboité le pas de la Wallonie qui, dès le 1er janvier 2022, avait étendu la fameuse « période suspecte » de trois à cinq ans[2].

Alors qu’il avait, dès 2020, été envisagé de porter ladite période à quatre ans avant que le Gouvernement flamand s’en abstienne en raison de la clôture de la célèbre Kaasroute à partir du 15 décembre 2020[3], le législateur flamand s’est finalement ravisé.

À compter du 1er janvier 2025, la nord du pays s’aligne donc sur le sud du pays en portant de trois à cinq ans la période endéans laquelle :

  • les donations non enregistrées (telles que les dons bancaires ou manuels) seront, en cas de décès endéans ladite période, réincorporées fiscalement dans la base imposable successorale et, partant, taxables ;
  • les stipulations pour autrui (telles que les prestations d’assurance-vie) qui ont été exécutées seront, en cas décès endéans ladite période, réincorporées fiscalement dans la base imposable successorale et, partant, également taxables ; et
  • la présomption de titularité jouera lorsqu’un acte de propriété (tel qu’un extrait bancaire) permet à l’administration de déterminer l’existence d’un actif successoral et contraint les héritiers de déterminer ce qu’il en a été fait par le défunt, sous peine d’en être taxés à due concurrence.
  • Si la prolongation du « délai de reprise » est certes une mesure budgétaire visant à encourager l’enregistrement des donations mobilières, les donations manuelles et indirectes non-enregistrées restent néanmoins toujours intéressantes vu que :
  • la donation notariée et son enregistrement emportent des coûts plus élevés pour opérer une donation mobilière dès lors que des frais d’actes et des droits d’enregistrement seront dus, même s’il faut noter que dans certains cas (notamment en matière de réserve d’usufruit) le recours à l’acte notarié sera impératif ;
  • l’espérance de vie s’allongeant, il reste raisonnable de prendre le « risque » d’opérer une donation indirecte ou manuelle non-enregistrée, d’autant qu’il pourra toujours ultérieurement, et tant que le donateur est en vie, être procédé à l’enregistrement de la donation pour préférer le prélèvement des droits de donation au lieu des droits de succession ;
  • le « risque » pris peut éventuellement être couvert par certaines assurances.


Seconde phase de la réforme flamande des droits de succession.

La seconde phase de la réforme, qui n’est pas encore sur la table du parlement flamand, devrait, en ce qui la concerne, entrer en vigueur progressivement entre 2026 et 2029 d’après ce qu’indiquait le ministre Ben Weyts.

Concernant les modifications envisagées, les voici :

  • Augmentation de l’exemption du partenaire survivant qui passerait de 50.000,00 EUR à 150.000,00 EUR afin de protéger davantage le partenaire.
  • Modification des tranches et taux d’imposition qui interviendrait afin d'implémenter une réduction d'imposition « par le bas » profitant donc davantage aux petites et moyennes successions.


Voici les nouveaux barèmes envisagés au regard des taux applicables au sein des autres Régions :

Tarifs des droits en ligne directe et entre partenaires[4]

Région flamande

Région wallonne

Région bruxelloise

À partir de

Jusqu’à

Avant réforme

Après réforme

Avant le 1er janvier 2028

À partir du 1er janvier 2028

Avant réforme

Après réforme (?)

De 0,01 €

À 12.500,00 €

3,00 %

0,00 %[5]

3,00 %

3,00 %

3,00 %

?

De 12.500,01 €

À 25.000,00 €

3,00 %

0,00 %[6]

4,00 %

4,00 %

3,00 %

?

De 25.000,01 €

À 50.000,00 €

3,00 %

0,00 %[7]

5,00 %

5,00 %

3,00 %

?

De 50.000,01 €

À 100.000,00 €

9,00 %

3,00 %

7,00 %

5,00 %

8,00 %

?

De 100.000,01 €

À 150.000,00 €

9,00 %

3,00 %

10,00 %

5,00 %

9,00 %

?

De 150.000,01 €

À 175.000,00 €

9,00 %

9,00 %

14,00 %

7,00 %

9,00 %

?

De 175.000,01 €

À 200.000,00 €

9,00 %

9,00 %

14,00 %

7,00 %

18,00 %

?

De 200.000,01 €

À 250.000,00 €

9,00 %

9,00 %

18,00 %

9,00 %

18,00 %

?

De 250.000,01 €

À 500.000,00 €

27,00 %[8]

27,00 %

24,00 %

12,00 %

24,00 %

?

Au-delà de 500.000,01 €

27,00 %

27,00 %

30,00 %

15,00 %

30,00 %

?

Tarifs des droits entre frères et sœurs (et collatéraux en Flandre)

Région flamande[9]

Région wallonne

Région bruxelloise

À partir de

Jusqu’à

Avant réforme

Après réforme

Avant le 1er janvier 2028

À partir du 1er janvier 2028

Avant réforme

Après réforme (?)

De 0,01 €

À 12.500,00 €

25,00 %

25,00 %

20,00 %

10,00 %

20,00 %

?

De 12.500,01 €

À 25.000,00 €

25,00 %

25,00 %

25,00 %

13,00 %

25,00 %

?

De 25.000,01 €

À 35.000,00 €

25,00 %

25,00 %

35,00 %

18,00 %

30,00 %

?

De 35.000,01 €

À 50.000,00 €

30,00 %

25,00 %

35,00 %

18,00 %

30,00 %

?

De 50.000,01 €

À 75.000,00 €

30,00 %

25,00 %

35,00 %

18,00 %

40,00 %

?

De 75.000,01 €

À 100.000,00 €

55,00 %

30,00 %

50,00 %

25,00 %

40,00 %

?

De 100.000,01 €

À 150.000,00 €

55,00 %

30,00 %

50,00 %

25,00 %

55,00 %

?

De 150.000,01 €

À 175.000,00 €

55,00 %

55,00 %

50,00 %

25,00 %

55,00 %

?

De 175.000,01 €

À 250.000,00 €

55,00 %

55,00 %

65,00 %

33,00 %

60,00 %

?

Au-delà de 250.000,01 €

55,00 %

55,00 %

65,00 %

33,00 %

65,00 %

?

Tarifs des droits entre oncles/tantes et neveux/nièces

Région flamande

Région wallonne

Région bruxelloise[10]

À partir de

Jusqu’à

Avant réforme

Après réforme

Avant le 1er janvier 2028

À partir du 1er janvier 2028

Avant réforme

Après réforme (?)

De 0,01 €

À 12.500,00 €

-

-

25,00 %

13,00 %

35,00 %

?

De 12.500,01 €

À 25.000,00 €

-

-

30,00 %

15,00 %

35,00 %

?

De 25.000,01 €

À 50.000,00 €

-

-

40,00 %

20,00 %

35,00 %

?

De 50.000,01 €

À 75.000,00 €

-

-

40,00 %

20,00 %

50,00 %

?

De 75.000,01 €

À 100.000,00 €

-

-

55,00 %

28,00 %

50,00 %

?

De 100.000,01 €

À 175.000,00 €

-

-

55,00 %

28,00 %

60,00 %

?

Au-delà de 175.000,01 €

-

-

70,00 %

35,00 %

70,00 %

?

Tarifs des droits entre autres personnes

Région flamande

Région wallonne

Région bruxelloise

À partir de

Jusqu’à

Avant réforme

Après réforme

Avant le 1er janvier 2028

À partir du 1er janvier 2028

Avant réforme

Après réforme (?)

De 0,01 €

À 12.500,00 €

25,00 %

25,00 %

30,00 %

15,00 %

40,00 %

?

De 12.500,01 €

À 25.000,00 €

25,00 %

25,00 %

35,00 %

18,00 %

40,00 %

?

De 25.000,01 €

À 35.000,00 €

25,00 %

25,00 %

60,00 %

30,00 %

40,00 %

?

De 35.000,01 €

À 50.000,00 €

45,00 %

25,00 %

60,00 %

30,00 %

40,00 %

?

De 50.000,01 €

À 75.000,00 €

45,00 %

25,00 %

60,00 %

30,00 %

55,00 %

?

De 75.000,01 €

À 100.000,00 €

55,00 %

30,00 %

80,00 %

40,00 %

65,00 %

?

De 100.000,01 €

À 125.000,00 €

55,00 %

30,00 %

80,00 %

40,00 %

65,00 %

?

De 125.000,01 €

À 150.000,00 €

55,00 %

55,00 %

80,00 %

40,00 %

65,00 %

?

De 150.000,01 €

À 175.000,00 €

55,00 %

55,00 %

80,00 %

40,00 %

65,00 %

?

Au-delà de 175.000,01 €

55,00 %

55,00 %

80,00 %

40,00 %

80,00 %

?


  • Réflexions quant à une exonération spécifique pour les défunts sans descendance directe de 50.000,00 EUR à l'égard des personnes vis-à-vis desquelles une relation affective existait avec le défunt (mais la question est à l’étude)
  • Modification du régime de transmission des sociétés familiales : le Gouvernement flamand souhaite exclure du bénéfice des taux réduits applicables auxdites transmissions la valeur des biens immeubles destinés à l'habitation et non affectés à l'activité économique réelle desdites sociétés.


Réforme flamande des droits d’enregistrement.

En matière de droits d’enregistrement, concurrence fiscale oblige, alors que le législateur wallon indiquait vouloir favoriser l’accès au logement en instaurant un taux réduit de 3% pour l’acquisition de son habitation principale à l’instar du régime flamand, le Gouvernement flamand a réagi en indiquant vouloir porter son taux réduit de 3 à 2 % à compter du 1er janvier 2025. Dans le même temps, le régime des « marchands de biens » devait être revu.

Le décret-programme flamand ayant été voté, c’est désormais chose faite également.

Comparatif des régimes actuels

Région flamande

Région wallonne

Région bruxelloise

Taux ordinaire

12,00 %

12,50 %

12,50 %

Marchands de biens

Passage de 4,00 % à 6,00 %

/

/

Habitation unique

2,00 %

3,00 %

12,50 % mais abattement de 200.000,00 EUR pour une habitation (de – de 600.000 EUR) et de 100.000 EUR pour un terrain (de – de 300.00 EUR)


Surprise de la réforme wallonne.

Avant de conclure, arrêtons-nous sur une mesure de la réforme fiscale wallonne qui n’était pas évoquée ouvertement : l’article 68 du Code des droits de succession wallon est abrogé, comme dans les autres Régions, à partir du 1er janvier 2025 (alors que le reste de la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2028).

Renoncer à une succession au profit de ses propres enfants ne sera donc plus aussi coûteux qu’actuellement dès lors que les enfants seront désormais imposés sur leur part nette sans que l’imposition ne doive, a minima, être égale à l’imposition qu’aurait subie le renonçant. Une planification successorale post mortem pourra donc également s’envisager dans une certaine mesure.


Et Bruxelles ?

Alors que les caisses de la Région de Bruxelles-Capitale sont exsangues et fredonnent « Money, Money, Money », et que dans le même temps des réformes fiscales structurelles seraient également les bienvenues, un gouvernement se fait toujours attendre.

Pendant que la Flandre et la Wallonie tracent leur route et laissent Bruxelles dans leur sillage, l'heure y est donc à l'urgence, mais l’enlisement majeur semble encore être la seule note que la capitale puisse jouer actuellement.


--------

[1] Voy. S. SCARNÀ et J. LIMET, « La Wallonie prendrait-elle un tournant à 180° ? », Tetracademy, n°16, pp. 4-8.

[2] Décret wallon du 22 décembre 2021 portant diverses dispositions pour un impôt plus juste.

[3] Loi spéciale du 13 décembre 2020 modifiant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe en vue de rendre obligatoire l'enregistrement d'actes notariés étrangers.

[4] Hors cohabitants de fait en Région wallonne.

[5] En ligne directe.

[6] En ligne directe.

[7] En ligne directe.

[8] Le tarif flamand s’appliquant distinctement sur les biens meubles et immeubles hérités.

[9] Le tarif flamand s’applique de manière globale entre collatéraux (autres que frères et sœurs).

[10] Le tarif bruxellois s’applique de manière globale entre collatéraux.

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