La Belgique s’apprête à franchir un cap fiscal majeur : à partir du 1er janvier 2026, un impôt sur les plus-values mobilières sera instauré. Ce basculement marque une rupture dans la politique fiscale belge, en intégrant dans le champ de l’impôt l’un des derniers pans non imposés du patrimoine privé des particuliers.
Le nouveau régime concernera les personnes physiques ainsi que les personnes morales assujetties à l’impôt des personnes morales (telles que les associations et fondations). Certaines entités pouvant recevoir des dons fiscalement déductibles seront toutefois exonérées. Ce mécanisme instaure une taxation résiduelle, visant les revenus divers.
Les plus-values qui excèdent le cadre de la « gestion normale d’un patrimoine privé » (par exemple, les opérations spéculatives) resteront imposées comme revenus divers au taux de 33 %, conformément aux règles actuelles.
Les actifs, qu’ils soient détenus en Belgique ou à l’étranger, sont répartis en quatre catégories :
Restent exonérés certains produits de pension du 2e pilier (assurances-groupe) et du 3e pilier (épargne-pension). La « taxe Reynders » (article 19bis CIR 92) sur certains fonds obligataires ne sera pas supprimée et coexistera avec le nouvel impôt, ce qui pourrait entraîner une double imposition (30 % sur la composante intérêts et 10 % sur la plus-value).
La réforme distingue trois régimes selon la nature de la plus-value et le type d’actif.
Les gains issus de cessions d’actions ou de certificats de parts bénéficiaires entre parties liées – lorsque le cédant exerce, seul ou avec des proches jusqu’au deuxième degré, un contrôle direct ou indirect sur l’acquéreur – seront imposés à 33 % (considérés comme résultant d’une « gestion anormale du patrimoine privé »). La notion de contrôle renvoie à l’article 1:14 du Code des sociétés et associations.
Les actionnaires détenant une participation significative (au moins 20 %) bénéficieront d’une exonération de 1.000.000 EUR tous les cinq ans. Les plus-values excédant ce seuil seront imposées selon les tranches progressives suivantes :
Un taux de 16,5 % s’appliquera si la cession est réalisée au profit d’une personne morale non établie dans l’Espace économique européen. La participation substantielle sera appréciée individuellement, sans consolidation avec celles des membres de la famille.
Toutes les autres plus-values sur actifs financiers visés seront imposées à 10 %. Une exonération annuelle de 10.000 EUR (montant indexé) sera accordée, sous réserve que le contribuable déclare ces gains. Les montants non utilisés pourront être reportés à concurrence de 1.000 EUR par an, avec un plafond de 15.000 EUR.
Les pertes ne pourront être imputées que si le contribuable déclare l’ensemble des plus-values réalisées dans sa déclaration annuelle.
La plus-value correspondra à la différence positive entre le prix de cession et la valeur d’acquisition. Les gains antérieurs au 1er janvier 2026 resteront hors champ, d’où la nécessité de fixer une valeur au 31 décembre 2025. Les moins-values antérieures ne seront pas déductibles.
Exemples de règles :
Autres principes :
L’administration fiscale conservera le droit de contester les valorisations, sans délai de prescription spécifique.
Les plus-values (hors plus-values internes et participations substantielles) seront soumises à une retenue à la source prélevée par les intermédiaires financiers belges. Le contribuable pourra y renoncer et déclarer lui-même les gains, mais l’intermédiaire devra alors en informer l’administration.
Les intermédiaires (banques, conseillers fiscaux, notaires, etc.) devront aussi déclarer à l’administration les opérations générant des plus-values internes ou sur participations substantielles, en communiquant :
Cette obligation s’inspire de la directive DAC 6, mais vise surtout les « promoteurs » de transactions. Les professions couvertes par le secret professionnel (avocats notamment) pourront bénéficier d’une exemption, sous réserve d’informer les autres intermédiaires.
En cas de transfert de résidence fiscale à l’étranger, une taxation des plus-values latentes sera appliquée. Un report de paiement automatique sera toutefois prévu en cas de départ vers l’EEE ou un État ayant conclu une convention préventive de double imposition avec assistance au recouvrement.
En dehors de ces zones, un report pourra être demandé moyennant garanties. Le report expirera en cas de retour en Belgique ou après 24 mois (sauf réalisation des actifs entre-temps).
L’introduction d’un impôt sur les plus-values sur actifs financiers marque un tournant dans la politique fiscale belge — mais pas nécessairement synonyme de clarté ou de simplicité. Si la mesure vise à renforcer l’équité et à élargir l’assiette, sa conception actuelle soulève plusieurs préoccupations.
Premièrement, l’articulation entre ce nouveau régime et l’« exit tax » récemment introduite, applicable aux actionnaires lorsque la société transfère sa résidence fiscale, soulève des questions non résolues. En l’état, des chevauchements entre les deux systèmes ne peuvent être exclus, ce qui pourrait conduire à une double imposition.
Deuxièmement, les méthodes de valorisation sont nombreuses, techniquement complexes et varient selon le type d’actif — souvent sans justification claire. Cette approche en patchwork risque de créer un labyrinthe administratif pour les contribuables et leurs conseillers. En outre, les valorisations établies par des réviseurs ou des experts-comptables demeurent susceptibles de contestation par l’administration fiscale sans délai légal défini, ce qui accroît l’incertitude.
Troisièmement, plusieurs mécanismes semblent peu pratiques ou excessivement contraignants. Par exemple :
En outre, la coexistence du nouveau régime avec la taxe Reynders (article 19bis CIR — parallèlement au régime actuel de 33 %) accroît la complexité. Pour certains fonds d’investissement, une partie du gain sera imposée à 30 % à titre d’intérêts, tandis que le solde pourrait relever de l’impôt de 10 % sur les plus-values. Ce système dual augmentera sensiblement les obligations de conformité et de reporting.
Les différentes exigences formelles n’augmentent pas seulement le risque d’erreur ; elles imposent aussi une charge de conformité significative aux contribuables, à l’administration fiscale et aux intermédiaires financiers. En pratique, la navigation dans ce régime nécessitera vraisemblablement l’appui de conseillers spécialisés, en particulier pour les contribuables dont les portefeuilles sont diversifiés ou comportent des éléments transfrontaliers.
Dans l’ensemble, la structure à plusieurs couches du régime — combinant taux proportionnels, tranches progressives et exonérations — risque de créer fragmentation et imprévisibilité pour les contribuables.
La loi devant entrer en vigueur le 1er janvier 2026, les contribuables et les parties prenantes devraient commencer à se préparer à ses exigences opérationnelles et de conformité. Néanmoins, la version du texte analysée ne constitue pas le projet définitif et peut être modifiée ou révisée avant son approbation formelle.
Notre équipe fiscale dédiée Fieldfisher Belgium allie expertise juridique et économique de la fiscalité. Nous assistons les entreprises à toutes les étapes de leur cycle de vie, tant en matière contentieuse que non contentieuse, en fiscalité directe et indirecte. S’agissant du futur impôt sur les plus-values, notre équipe suit de près le processus législatif et est prête à fournir des conseils sur mesure quant au champ d’application du nouveau régime, aux voies de droit disponibles et à la planification stratégique. Pour toute question, n’hésitez pas à contacter notre équipe fiscale.