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La Belgique introduit un impôt sur les plus-values mobilières à partir du 1er janvier 2026

La Belgique s’apprête à franchir un cap fiscal majeur : à partir du 1er janvier 2026, un impôt sur les plus-values mobilières sera instauré. Ce basculement marque une rupture dans la politique fiscale belge, en intégrant dans le champ de l’impôt l’un des derniers pans non imposés du patrimoine privé des particuliers.

Le nouveau régime concernera les personnes physiques ainsi que les personnes morales assujetties à l’impôt des personnes morales (telles que les associations et fondations). Certaines entités pouvant recevoir des dons fiscalement déductibles seront toutefois exonérées. Ce mécanisme instaure une taxation résiduelle, visant les revenus divers.

Les plus-values qui excèdent le cadre de la « gestion normale d’un patrimoine privé » (par exemple, les opérations spéculatives) resteront imposées comme revenus divers au taux de 33 %, conformément aux règles actuelles.


Actifs financiers visés

Les actifs, qu’ils soient détenus en Belgique ou à l’étranger, sont répartis en quatre catégories :

  1. Instruments financiers : actions, obligations, mais plus largement tous titres et valeurs mobilières transférables, y compris instruments dérivés, contrats et placements dans des organismes de placement collectif ;
  2. Contrats d’assurance : branches 21, 22, 23, 26 et 44 ;
  3. Crypto-actifs : couvrant les cryptomonnaies ainsi que toute représentation numérique d’une valeur ou d’un droit ;
  4. Devises : tout actif financier liquide, y compris l’or d’investissement.

Restent exonérés certains produits de pension du 2e pilier (assurances-groupe) et du 3e pilier (épargne-pension). La « taxe Reynders » (article 19bis CIR 92) sur certains fonds obligataires ne sera pas supprimée et coexistera avec le nouvel impôt, ce qui pourrait entraîner une double imposition (30 % sur la composante intérêts et 10 % sur la plus-value).


Trois régimes de taxation

La réforme distingue trois régimes selon la nature de la plus-value et le type d’actif.

1. Plus-values internes

Les gains issus de cessions d’actions ou de certificats de parts bénéficiaires entre parties liées – lorsque le cédant exerce, seul ou avec des proches jusqu’au deuxième degré, un contrôle direct ou indirect sur l’acquéreur – seront imposés à 33 % (considérés comme résultant d’une « gestion anormale du patrimoine privé »). La notion de contrôle renvoie à l’article 1:14 du Code des sociétés et associations.

2. Participations substantielles

Les actionnaires détenant une participation significative (au moins 20 %) bénéficieront d’une exonération de 1.000.000 EUR tous les cinq ans. Les plus-values excédant ce seuil seront imposées selon les tranches progressives suivantes :

  • Entre 1.000.000 et 2.500.000 EUR : 1,25 %
  • Entre 2.500.000 et 5.000.000 EUR : 2,25 %
  • Entre 5.000.000 et 10.000.000 EUR : 5 %
  • Au-delà de 10.000.000 EUR : 10 %

Un taux de 16,5 % s’appliquera si la cession est réalisée au profit d’une personne morale non établie dans l’Espace économique européen. La participation substantielle sera appréciée individuellement, sans consolidation avec celles des membres de la famille.

3. Régime général

Toutes les autres plus-values sur actifs financiers visés seront imposées à 10 %. Une exonération annuelle de 10.000 EUR (montant indexé) sera accordée, sous réserve que le contribuable déclare ces gains. Les montants non utilisés pourront être reportés à concurrence de 1.000 EUR par an, avec un plafond de 15.000 EUR.

Les pertes ne pourront être imputées que si le contribuable déclare l’ensemble des plus-values réalisées dans sa déclaration annuelle.


Exonérations

Temporaires :

  • plus-values résultant de fusions ou scissions de sociétés ou fonds d’investissement ;
  • plus-values issues de la transformation d’un fonds commun de placement en société d’investissement.

Permanentes :

  • apports en société (apports en nature de titres) ;
  • actifs bénéficiant déjà d’un régime d’épargne à long terme ;
  • actifs déjà imposés comme revenus mobiliers ou professionnels.


Règles de valorisation et de calcul

La plus-value correspondra à la différence positive entre le prix de cession et la valeur d’acquisition. Les gains antérieurs au 1er janvier 2026 resteront hors champ, d’où la nécessité de fixer une valeur au 31 décembre 2025. Les moins-values antérieures ne seront pas déductibles.

Exemples de règles :

  • Actifs cotés : cours de clôture au 31 décembre 2025 ;
  • Actifs non cotés : le plus élevé entre (i) la valeur convenue lors d’une constitution ou augmentation de capital en 2025, (ii) une formule contractuelle, (iii) pour les actions, la valeur des fonds propres augmentée de quatre fois l’EBITDA fiscal du dernier exercice clôturé avant 2026 ;
  • Option alternative : évaluation par un réviseur d’entreprises ou expert-comptable externe avant le 31 décembre 2026.
  • Contrats d’assurance : le plus élevé entre le total des primes et la réserve mathématique au 31 décembre 2025.

Autres principes :

  • imputation FIFO en cas d’achats successifs d’actifs identiques ;
  • conversion des devises en EUR selon les taux au moment de l’acquisition et de la cession ;
  • pour les options et actions à prix réduit : valeur de marché au moment de l’exercice ou de l’acquisition ;
  • en cas d’émigration : taxation sur la valeur de marché au départ (« exit tax ») ; en cas d’immigration : valeur de marché à l’arrivée.

L’administration fiscale conservera le droit de contester les valorisations, sans délai de prescription spécifique.


Retenue à la source et rôle des intermédiaires

Les plus-values (hors plus-values internes et participations substantielles) seront soumises à une retenue à la source prélevée par les intermédiaires financiers belges. Le contribuable pourra y renoncer et déclarer lui-même les gains, mais l’intermédiaire devra alors en informer l’administration.

Les intermédiaires (banques, conseillers fiscaux, notaires, etc.) devront aussi déclarer à l’administration les opérations générant des plus-values internes ou sur participations substantielles, en communiquant :

  • la valeur d’acquisition,
  • le prix de cession,
  • l’identité des parties.

Cette obligation s’inspire de la directive DAC 6, mais vise surtout les « promoteurs » de transactions. Les professions couvertes par le secret professionnel (avocats notamment) pourront bénéficier d’une exemption, sous réserve d’informer les autres intermédiaires.


Régime spécifique d’« exit tax »

En cas de transfert de résidence fiscale à l’étranger, une taxation des plus-values latentes sera appliquée. Un report de paiement automatique sera toutefois prévu en cas de départ vers l’EEE ou un État ayant conclu une convention préventive de double imposition avec assistance au recouvrement.

En dehors de ces zones, un report pourra être demandé moyennant garanties. Le report expirera en cas de retour en Belgique ou après 24 mois (sauf réalisation des actifs entre-temps).


Notre point de vue

L’introduction d’un impôt sur les plus-values sur actifs financiers marque un tournant dans la politique fiscale belge — mais pas nécessairement synonyme de clarté ou de simplicité. Si la mesure vise à renforcer l’équité et à élargir l’assiette, sa conception actuelle soulève plusieurs préoccupations.

Premièrement, l’articulation entre ce nouveau régime et l’« exit tax » récemment introduite, applicable aux actionnaires lorsque la société transfère sa résidence fiscale, soulève des questions non résolues. En l’état, des chevauchements entre les deux systèmes ne peuvent être exclus, ce qui pourrait conduire à une double imposition.

Deuxièmement, les méthodes de valorisation sont nombreuses, techniquement complexes et varient selon le type d’actif — souvent sans justification claire. Cette approche en patchwork risque de créer un labyrinthe administratif pour les contribuables et leurs conseillers. En outre, les valorisations établies par des réviseurs ou des experts-comptables demeurent susceptibles de contestation par l’administration fiscale sans délai légal défini, ce qui accroît l’incertitude.

Troisièmement, plusieurs mécanismes semblent peu pratiques ou excessivement contraignants. Par exemple :

  • L’exonération de 10.000 EUR ne sera disponible que pour les contribuables qui la revendiquent activement et pour autant que toutes les plus-values réalisées soient dûment déclarées ;
  • L’augmentation annuelle de l’exonération nécessite le suivi des exonérations non utilisées sur plusieurs années ;
  • Les contribuables devront valoriser eux-mêmes leurs actifs et, s’ils ne le font pas, ils pourraient être imposés sur la base de valorisations potentiellement surévaluées imposées par l’administration ;
  • La déduction des moins-values est également conditionnée à la divulgation complète de tous les gains dans la déclaration, ce qui peut en réduire l’utilité pratique.

En outre, la coexistence du nouveau régime avec la taxe Reynders (article 19bis CIR — parallèlement au régime actuel de 33 %) accroît la complexité. Pour certains fonds d’investissement, une partie du gain sera imposée à 30 % à titre d’intérêts, tandis que le solde pourrait relever de l’impôt de 10 % sur les plus-values. Ce système dual augmentera sensiblement les obligations de conformité et de reporting.

Les différentes exigences formelles n’augmentent pas seulement le risque d’erreur ; elles imposent aussi une charge de conformité significative aux contribuables, à l’administration fiscale et aux intermédiaires financiers. En pratique, la navigation dans ce régime nécessitera vraisemblablement l’appui de conseillers spécialisés, en particulier pour les contribuables dont les portefeuilles sont diversifiés ou comportent des éléments transfrontaliers.

Dans l’ensemble, la structure à plusieurs couches du régime — combinant taux proportionnels, tranches progressives et exonérations — risque de créer fragmentation et imprévisibilité pour les contribuables.

La loi devant entrer en vigueur le 1er janvier 2026, les contribuables et les parties prenantes devraient commencer à se préparer à ses exigences opérationnelles et de conformité. Néanmoins, la version du texte analysée ne constitue pas le projet définitif et peut être modifiée ou révisée avant son approbation formelle.


Comment pouvons-nous vous aider ?

Notre équipe fiscale dédiée Fieldfisher Belgium allie expertise juridique et économique de la fiscalité. Nous assistons les entreprises à toutes les étapes de leur cycle de vie, tant en matière contentieuse que non contentieuse, en fiscalité directe et indirecte. S’agissant du futur impôt sur les plus-values, notre équipe suit de près le processus législatif et est prête à fournir des conseils sur mesure quant au champ d’application du nouveau régime, aux voies de droit disponibles et à la planification stratégique. Pour toute question, n’hésitez pas à contacter notre équipe fiscale.

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