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Le salaire reste un sujet tabou pour un tiers des candidats: que retenir de l’étude Robert Half 2026?

La transparence salariale s’imposera bientôt comme une norme européenne. Pourtant, selon le Guide des Salaires 2026 de Robert Half, 28 % des candidats belges n’osent toujours pas aborder la question du salaire lors d’un entretien d’embauche.

Un paradoxe à l’heure où la pénurie de main-d’œuvre renforce le pouvoir de négociation des travailleurs.

Cet article revient sur les principaux constats de l’étude, les causes de ce malaise salarial, et les pistes que les employeurs – et leurs conseillers – peuvent explorer pour rendre le dialogue plus équilibré et plus efficace.


1. Le constat : un tiers des candidats garde le silence sur le salaire

L’étude révèle qu’en 2025, près d’un candidat sur trois préfère ne pas aborder la question de la rémunération, souvent par crainte de perdre une opportunité d’emploi.


GRH, Emploi, formationF.F.F.Un candidat sur trois n’évoque pas le salaire par peur de passer à côté de l’offre d’emploi


Trois raisons principales sont avancées :

  • La peur de compromettre l’embauche (motif cité par 28 % des répondants) ;
  • Le manque de confiance en soi (25 %) ;
  • L’incertitude sur les normes de rémunération du marché (27 %).

Ce silence est d’autant plus surprenant que le contexte économique favorise plutôt les candidats : la Belgique fait face à une pénurie persistante de main-d’œuvre qualifiée, ce qui renforce leur position de négociation.

Différences selon la taille de l’entreprise

L’étude met aussi en lumière un contraste significatif :

  • 32 % des candidats postulant dans une PME hésitent à parler salaire ;
  • contre 23 % dans les grandes entreprises, où les grilles salariales sont mieux structurées et plus transparentes.

Les PME, en revanche, offrent souvent plus de flexibilité dans les propositions, mais communiquent moins en amont sur leurs politiques salariales, ce qui accroît la gêne des candidats.


2. Changement de priorités : la sécurité avant l’ambition

Autre enseignement marquant : 69 % des travailleurs belges estiment qu’ils auront plus de chances d’obtenir une augmentation en restant dans leur entreprise actuelle qu’en changeant d’employeur.

Ce taux est supérieur à celui observé aux Pays-Bas (60 %) et au Royaume-Uni (61 %).

La stabilité professionnelle est donc redevenue une valeur centrale, traduisant une forme de repli prudent face aux incertitudes économiques et à l’inflation.

Le salaire net reste certes un élément clé, mais les candidats accordent désormais une importance accrue aux avantages extra-légaux et à la qualité de vie au travail : horaires flexibles, bonus variables, télétravail, ou budget formation.


3. Vers une transparence obligatoire : l’impact de la directive 2023/970

À partir de juin 2026, la directive européenne 2023/970 relative à la transparence salariale sera transposée en droit belge.

Les entreprises devront alors :

  • communiquer les échelles de rémunération dans leurs offres d’emploi ;
  • fournir aux candidats des informations sur la fourchette salariale avant la signature du contrat ;
  • garantir l’égalité de rémunération entre femmes et hommes à travail égal.

Cette réforme devrait, à terme, réduire la part de candidats hésitant à parler salaire, en leur offrant un cadre de discussion plus transparent et objectivable.


4. Préparer la négociation : un enjeu partagé

La négociation salariale demeure un exercice complexe, souvent vécu avec appréhension par les deux parties.

Pour éviter les malentendus, préparation et information demeurent les maîtres mots.

Pour les candidats

Avant un entretien, il est recommandé de :

  • analyser les grilles de salaires dans le secteur via les guides de référence et les conventions collectives ;
  • évaluer sa propre valeur de marché (expérience, certifications, ancienneté, compétences rares) ;
  • préparer des arguments concrets pour justifier une demande supérieure à la moyenne : formations suivies, responsabilités accrues, résultats mesurables, etc.


Pour les employeurs

Les entreprises gagneraient à :

  • communiquer dès le départ sur la politique salariale et les avantages connexes ;
  • présenter leur meilleure offre initiale plutôt que de prolonger inutilement les négociations ;
  • valoriser le package global (assurances, bonus, congés, mobilité, flexibilité).

Une communication claire réduit la méfiance, accélère le recrutement et renforce l’image d’employeur responsable.


5. Tableau de synthèse

Thème

Constats clés

Implications pratiques

Dialogue sur le salaire

28 % des candidats n’osent pas aborder la rémunération

Besoin de formation à la négociation et de transparence des offres

Différences PME / grandes entreprises

32 % d’hésitation dans les PME, 23 % dans les grandes entreprises

Structurer la politique salariale dans les petites structures

Priorité donnée à la stabilité

69 % préfèrent rester en poste pour une augmentation

Valoriser les plans de carrière internes

Transparence salariale (Directive UE 2023/970)

Entrée en vigueur : juin 2026

Anticiper les obligations de communication et d’égalité salariale

Négociation équilibrée

Préparation insuffisante des candidats, manque de clarté des employeurs

Mieux former les recruteurs et sensibiliser les candidats


6. Recommandations aux membres de l’Ordre

Les experts-comptables et conseillers fiscaux accompagnent de plus en plus souvent leurs clients dans la gestion des rémunérations et la mise en conformité des politiques salariales.

Dans ce contexte, ils peuvent :

  1. Sensibiliser les entreprises à la future directive sur la transparence salariale (obligations dès 2026).
  2. Encourager la structuration des grilles de rémunération, surtout dans les PME.
  3. Analyser les packages salariaux sous l’angle fiscal et social (bonus, flexi-jobs, avantages en nature).
  4. Former les dirigeants à la communication transparente sur les salaires, gage de confiance et d’attractivité.
  5. Accompagner la transition RH vers des pratiques conformes au droit social européen et aux attentes des talents.


À retenir

Le tabou salarial reste une réalité en Belgique malgré la tension du marché du travail.

La transparence obligatoire dès 2026 devrait aider à rééquilibrer les discussions, à condition que les entreprises s’y préparent dès maintenant.

Pour les experts-comptables, il s’agit d’un nouveau champ d’accompagnement stratégique, à la croisée du droit social, du management des rémunérations et de la conformité européenne.


Références

  • Robert Half, Guide des Salaires 2026 (étude publiée en septembre 2025).
  • Directive (UE) 2023/970 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 relative à la transparence des rémunérations et à l’égalité salariale.
  • SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, dossier sur la transposition de la directive européenne 2023/970 (Belgique, 2025).

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