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La voiture-salaire en Belgique en 2025: un succès qui ne faiblit pas, malgré le virage vert!

À contre-courant des politiques fiscales restrictives et des incitants en faveur de la mobilité durable, le nombre de voitures de société n’a jamais été aussi élevé en Belgique. Fin 2024, plus de 572.000 travailleurs salariés bénéficiaient d’une voiture de fonction, soit une augmentation de 10,9 % en trois ans. Le rapport de monitoring publié par l’ONSS en mai 2025 confirme ce paradoxe : la voiture-salaire reste un levier d’attractivité clé, mais subit une transformation de fond en matière de motorisation.

Dans cet article, nous analysons les chiffres clés, les mécanismes fiscaux à l’origine du verdissement du parc automobile et les défis à venir pour les employeurs et leurs conseillers.


Une progression continue malgré un cadre fiscal dissuasif

Depuis 2022, les mesures fiscales prises par le législateur visent à réduire l’attractivité des voitures thermiques :

  • Suppression progressive de la déductibilité fiscale pour les voitures à essence et diesel.
  • Augmentation de la cotisation de solidarité CO₂ pour les véhicules fortement émetteurs.
  • Incitations accrues pour les véhicules 100 % électriques, notamment via la déductibilité ISOC quasi intégrale, la réduction de l’ATN et les avantages en nature liés à la recharge.

Pourtant, malgré ce cadre dissuasif, le nombre de voitures-salaires a crû de plus de 56.000 unités entre 2021 et 2024. Cette croissance s’explique notamment par la généralisation des plans cafétéria dans les entreprises, qui permettent aux travailleurs de convertir un budget salarial en avantages extra-légaux, voiture comprise.


Verdissement accéléré du parc de voitures de société

Si le volume augmente, la nature des véhicules change rapidement :

Indicateur

Début 2022

Fin 2024

Part des voitures thermiques (essence/diesel)

50 %

Moins de 10 %

Part des voitures 100 % électriques

Moins de 25 %

Plus de 60 %

Voitures de société enregistrées

~516.000

572.416

Cette mutation du parc s’explique par la logique fiscale et parafiscale suivante :

  • Art. 66, §5 CIR 92 : suppression de la déductibilité pour les voitures thermiques commandées à partir de juillet 2023.
  • Art. 38, al. 1er, 14° CIR 92 : exonération partielle d’ATN pour la mise à disposition d’un point de recharge au domicile du travailleur.
  • AR du 20/11/2022 : mécanisme d’augmentation progressive de la cotisation CO₂ ONSS (base : type de carburant + taux d’émission).


Le budget mobilité : outil encore marginal… mais appelé à devenir incontournable

Introduit en 2019 comme alternative à la voiture de société, le budget mobilité permet aux travailleurs de financer d’autres moyens de transport ou d’investir dans un véhicule plus écologique. En 2024 :

  • 18.386 travailleurs en ont bénéficié (contre 9.000 en 2023).
  • Mais cela ne représente que 2,5 % des employeurs éligibles.

Cette sous-utilisation tient souvent à la complexité administrative perçue et à la culture automobile bien ancrée dans certaines branches.

Changement à l’horizon 2026 :

Toute entreprise qui offre une voiture de société devra également proposer un budget mobilité en parallèle. Cette obligation, prévue dans le cadre des réformes fédérales, vise à rendre le système plus équilibré et à renforcer la liberté de choix du travailleur.


Implications pour les entreprises et les experts-comptables

La réforme de la fiscalité automobile transforme la manière dont les entreprises structurent leur politique salariale et de flotte :

  • Fiscalité de l’ATN : les voitures électriques offrent un avantage en nature bien moindre à l’IPP, rendant leur mise à disposition plus attractive pour les travailleurs.
  • Déductibilité en ISOC : seuls les véhicules zéro émission conservent un taux de déduction fiscalement intéressant à partir de 2026.
  • Cotisation CO₂ ONSS : de plus en plus pénalisante pour les véhicules polluants.

Les experts-comptables doivent donc aider leurs clients à :

  • Évaluer le coût total de possession (TCO) d’un véhicule selon sa motorisation.
  • Anticiper la baisse de la déductibilité dans les projections budgétaires.
  • Mettre en place un plan cafétéria ou un budget mobilité conforme et avantageux.


Tableau de synthèse : voiture de société ou budget mobilité ?

Critères

Voiture thermique

Voiture électrique

Budget mobilité

Déductibilité fiscale (ISOC)

En forte baisse

Quasi intégrale

Non concerné

Cotisation CO₂ (ONSS)

Élevée

Faible

Aucune

Avantage en nature (IPP)

Elevé

Réduit

Non applicable

Flexibilité pour le salarié

Faible

Moyenne

Élevée (mobilité douce)

Obligatoire à partir de 2026

si voiture proposée


Recommandations de l’Ordre pour les professionnels

  1. Anticipez les échéances 2026 : sensibilisez vos clients employeurs à l’obligation de proposer un budget mobilité dès qu’une voiture est octroyée.
  2. Orientez les plans de mobilité vers l’électrique : pour conserver les déductions et limiter les cotisations sociales, les véhicules thermiques doivent être évités.
  3. Formez les entreprises aux plans cafétéria : intégrant à la fois voitures, mobilité durable, congés et avantages, ces plans sont devenus un levier RH stratégique.
  4. Évaluez systématiquement les coûts nets pour l’entreprise et pour le salarié, en intégrant ATN, ISOC, CO₂ et cotisations sociales.
  5. Accompagnez l’élaboration des politiques de flotte dans une logique ESG (Environnement, Social, Gouvernance), intégrant les nouvelles obligations climatiques.

La transition vers un parc automobile durable est en marche, mais elle n’efface pas l’attrait fiscal et social de la voiture-salaire. Plus que jamais, les experts-comptables sont appelés à jouer un rôle de conseiller stratégique dans la refonte des politiques de rémunération et de mobilité.


Références légales et administratives

  • Art. 66, §5 CIR 92 (suppression progressive de la déduction fiscale pour les voitures thermiques).
  • Circulaire 2024/C/50, FAQ sur le verdissement fiscal du parc automobile.
  • AR du 20 novembre 2022, modification de la cotisation de solidarité CO₂.
  • Loi du 17 mars 2019, instaurant le budget mobilité (MB 29 mars 2019).
  • Monitoring ONSS, T4 2024, « Verdissement du parc des voitures de fonction », publié le 15 mai 2025.

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