Une imposition complémentaire et subsidiaire. Contrairement aux intentions initialement exprimées, ce nouveau régime général de taxation des plus-values sur actifs financiers — qualifiées de revenus divers — ne remplacera pas les régimes spécifiques prévus par le Code des impôts sur les revenus, mais s’y ajoutera.Il s’appliquera donc de manière subsidiaire, notamment :
De manière générale, en tant que disposition de portée générale, ce nouveau régime cédera le pas à tout mécanisme de taxation spécifique applicable à la même opération (réalisation d’une plus-value). Précisons toutefois que les actifs financiers qui peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt pour épargne à long terme (2ème et 3ème pilier de pension) ne sont pas visés par ce nouveau régime. |
L’impôt viserait principalement les personnes physiques résidentes belges ainsi que certaines personnes morales soumises à l’impôt des personnes morales, à l’exception notable des entités sans but lucratif reconnues pour lesquelles les dons ouvrent droit à une réduction d’impôt pour libéralités.
Les sociétés soumises à l’impôt des sociétés et les non-résidents échappent à cette imposition. Pour ces derniers, cette exclusion est justifiée par le respect des conventions fiscales internationales, qui réservent généralement le droit d’imposition à l’État de résidence du contribuable.
Le nouveau régime concerne trois grandes catégories de plus-values qui seront qualifiées de revenus divers :
Sont également visés certains événements assimilés à une cession, tels que la liquidation en cas de vie d’un contrat d’assurance, ou le transfert de la résidence fiscale à l’étranger (introduisant ainsi un mécanisme d’« exit tax »).
Zoom : un régime d’exit tax en cas de départ à l’étrangerL’avant-projet instaure une taxation des plus-values latentes en cas de transfert de domicile fiscal ou de siège de fortune hors de Belgique. Concrètement, l’impôt est calculé sur la plus-value théorique que le contribuable aurait réalisée s’il avait cédé ses actifs financiers le jour de son départ. Toutefois, le paiement de cet impôt peut être reporté :
Ce report reste valable tant que les actifs ne sont ni vendus ni grevés d’un droit réel, et qu’une attestation annuelle est transmise à l’administration. L’obligation de paiement s’éteint si le contribuable revient s’établir en Belgique ou si aucun événement imposable n’intervient dans les 24 mois suivant le départ. |
Un taux d’imposition de 10 % est prévu pour les plus-values sur actifs financiers (c), avec une exonération annuelle de 10.000 € (montant indexé). Cette exonération peut être reportée à hauteur de 1000-€ par an sur cinq exercices, portant ainsi l’exonération à maximum 15.000-€.
Les plus-values sur participations substantielles bénéficient d’un traitement progressif et plus favorable :
Première tranche de 1.000.000-€ | exonérée |
Entre 1.000.000 et 2.500.000-€ | 1,25% |
Entre 2.500.000-€ et 5.000.000-€ | 2,25% |
Entre 5.000.000-€ et 10.000.000-€ | 5% |
Au-delà de 10.000.000-€ | 10% |
Les plus-values internes, perçues comme abusives, sont quant à elles pleinement imposées au taux de 33 %, sans exonération possible.
Investisseur dans un OPC ? Les changements de compartiment ou de classe d’actions dans un OPC ne seront pas immédiatement taxés. L’imposition est reportée jusqu’à une véritable cession ou liquidation, afin d’éviter de pénaliser des réallocations purement techniques ou imposées. |
La plus-value correspondra, de manière classique, à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition de l’actif.
Des règles spécifiques sont prévues pour :
Le projet prévoit une compensation intra-annuelle entre plus-values et moins-values, à condition qu’elles relèvent de la même catégorie d’actifs. Les moins-values ne peuvent donc pas être reportées d’un exercice à l’autre.
Attention : La méthode de calcul des moins-values repose sur une valeur moyenne d’acquisition, tandis que celle des plus-values utilise la méthode dite FIFO (first-in, first-out). Le calcul sur la base d’une valeur moyenne permet d’empêcher d’optimiser artificiellement la base imposable en réalisant temporairement des pertes, quitte à racheter les mêmes titres peu après.
Pour les actifs de type c), un précompte mobilier (pour des revenus divers ?!) de 10 % sera retenu par les intermédiaires financiers (y compris les compagnies d’assurance) établis en Belgique, lorsqu’une plus-value imposable est réalisée.
Ce précompte est, en principe, libératoire.
Toutefois, dans le calcul du précompte, les intermédiaires financiers ne pourront tenir compte ni des valeurs d’acquisition réelles, ni des exonérations, ni des moins-values éventuelles. Il reviendra donc au contribuable de recalibrer sa situation dans sa déclaration fiscale afin de faire valoir ses droits à l’un de ces éléments.
Un régime d’opt-out permettra néanmoins au contribuable de renoncer à cette retenue à la source, à condition d’en informer les intermédiaires. La déclaration devra alors nécessairement se faire par la voie de la déclaration fiscale comme pour les plus-values internes (type a) et les plus-values sur participations substantielles (type b).
Les intermédiaires (conseils, banques, compagnies d’assurance, etc.) impliqués dans des opérations de plus-values internes (type a) ou de plus-values sur participations substantielles (type b)) seront tenus de les déclarer à l’administration fiscale.
Cette mesure s’inspire des obligations dites « DAC6 » mais suscite des critiques, notamment quant à sa pertinence dans le contexte d’opérations devant déjà être nécessairement déclarées par les contribuables.
Plus de peur que de mal…
Ce projet de réforme introduit, pour la première fois, une taxation générale des plus-values mobilières dans le chef des personnes physiques en Belgique à des taux encore relativement faibles. Il ménage en outre plusieurs exonérations et un exit tax conforme aux enseignements de la CJUE.
Il étend toutefois notablement les obligations fiscales des contribuables... et de leurs conseillers. Les modalités de mise en œuvre et de calcul mériteront une attention particulière lors du parcours parlementaire.
La Tetracademy est la revue trimestrielle juridique du cabinet d’affaires bruxellois Tetra Law. Cet article en est extrait. Pour plus d’informations ou pour recevoir chaque nouvelle publication, n’hésitez pas à suivre la Tetracademy en envoyant un email à tetracom@tetralaw.com ».