Plan financier et responsabilité des professionnels: les règles du jeu et les gestes qui sauvent.
Temps de lecture: 5 min | 24 juin 2025 à 05:00
Thierry Litannie
Partner @ Andersen | Administrateur @ OECCBB
En Belgique, lors de la constitution de la plupart des sociétés, notamment les sociétés à responsabilité limitée, la loi impose l’établissement d’un plan financier obligatoire. Ce plan est un document essentiel destiné à démontrer que les fondateurs disposent des moyens suffisants pour assurer la viabilité de la société durant ses premières années d’activité.
Les règles relatives au plan financier sont définies dans le Code des sociétés et des associations (CSA), entré en vigueur le 1er mai 2019.
L’article clé est l’article 5.4 du CSA (anciennement article 215 du Code des sociétés).
Quelles sont les sociétés concernées ?
Le plan financier est obligatoire pour la constitution de toutes les sociétés à responsabilité limitée :
La SRL (Société à responsabilité limitée) – qui remplace l’ancienne SPRL
La SA (Société anonyme)
La SC (Société coopérative)
Les ASBL et certaines formes de sociétés sans responsabilité limitée (comme la SNC) ne sont pas soumises à cette obligation.
Quel est le contenu obligatoire du plan financier ?
L’article 5.4 du CSA impose un contenu minimum obligatoire.
Le plan financier doit démontrer que les moyens financiers apportés à la société sont suffisants pour couvrir les activités envisagées pendant au moins deux ans.
Il doit comprendre les éléments suivants :
La description du projet d’activité : type d’activité, marché visé, contexte économique.
Les hypothèses retenues pour l’établissement des prévisions et surtout la justification de ces prévisions (CA, coûts, marges, etc.).
Les prévisions chiffrées sur 24 mois :
Un budget de trésorerie (cash-flow)
Un compte de résultats prévisionnel
Un bilan prévisionnel
Le montant des fonds propres au départ : apports en capital, en nature ou en numéraire.
Une évaluation des besoins financiers : investissements, frais de lancement, financement du BFR.
Une analyse de solvabilité et de rentabilité : en d’autres termes, la démonstration du fait que la société pourra faire face à ses obligations financières.
La justification du montant du capital (ou des apports) en fonction des besoins du projet.
Remise du plan et confidentialité
Le plan n’est pas déposé au greffe du tribunal ni publié.
Il est remis au notaire au moment de l’établissement de l’acte de constitution.
Le notaire le conserve pour une durée minimale de 7 ans.
Il n’est pas accessible au public, sauf en cas de procédure judiciaire (cf. responsabilité des fondateurs).
2.La responsabilité des fondateurs
Dispositions légales applicables
Code des sociétés et des associations (CSA), article 5.4 (anciennement art. 229, 123 ou 215 selon les versions) :
En cas de faillite dans les 3 ans suivant la constitution d’une SRL, SA ou SC, les fondateurs peuvent être tenus responsables si les fonds propres initiaux étaient manifestement insuffisants pour assurer au moins 2 ans d’activité normale.
Les fondateurs doivent établir un plan financier sérieux, remis au notaire, garantissant la viabilité à 24 mois.
Exemples de jurisprudence récente
Tribunal de l’entreprise de Gand (18 octobre 2021)
Les fondateurs d’une SRL déclarée en faillite dans l’année suivant sa constitution ont été condamnés : capital initial a été jugé manifestement insuffisant.
Ils ont partiellement mis en cause la responsabilité de leur expert-comptable (professionnel du chiffre) et du notaire, qui ont été condamnés malgré des clauses d’exonération de responsabilité.
Cour d'appel de Gand (17 avril 2023)
L’arrêt rejette la condamnation du comptable : absence de violation du devoir de conseil.
Il met l’accent sur la preuve documentaire : les avertissements ont été formels, et le fondateur a voulu aller de l’avant malgré tout
Il confirme que la responsabilité pèse d’abord sur les fondateurs, sauf si le comptable a clairement failli à son devoir de conseil.
Bien avant la réforme, la Cour reconnaissait qu’un expert-comptable doit prévenir ses clients dès que le plan financier révèle un risque manifeste de faillite
Condition toujours applicable : faute dans l’assistance, preuves concrètes attendues.
3.Synthèse & enseignements
Lors de la faillite de toute société dans les 3 ans de sa constitution, tout curateur examinera analysera la responsabilité personnelle des fondateurs et la problématique du plan financier
Il engagera la responsabilité des fondateurs si le plan s’avère déficient ou insuffisant
Les fondateurs tentent presque systématiquement de se décharger de leur responsabilité en invoquant celle du professionnel du chiffre.
Pour se prémunir ou se défendre, ils doivent documenter et justifier par écrit les hypothèses retenues
Des clauses d’exonération de responsabilité et une description précise de la mission sont indispensables, … mais pas suffisantes.
Il ne faut pas hésiter à émettre un avis négatif ou très réservé pour prouver que le fondateur a passé outre.
Les preuves écrites (emails, avis) sont cruciales.
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